Yello – projet artistique suisse reçoit le Grand Prix Musique 2022

Yello – le légendaire duo suisse d’électro-pop reçoit le Grand Prix suisse de la musique 2022. Après quarante ans de collaboration et 14 albums en commun, le duo formé par Boris Blank, bidouilleur de sons et Dieter Meier, leader à la voix sonore, rayonne depuis la Suisse vers le monde entier.

 

Portrait Yello zVg. Yello ©Helen Sobiralski

 

Gabrielle Weber
Les sonorités rythmiques et groovy, ainsi que des expressions comme « Oh Yeah » ou « Claro que si » ont marqué toute une génération grandie dans les années quatre-vingt. Et aujourd’hui encore, quarante ans plus tard, les rythmes de Yello, tout comme leurs créations de mots et d’images continuent d’influencer les esprits… même si, en apparence, ils n’ont quasiment pas changé – mais ça c’est seulement en surface.

1981 – dans la vidéo de The evening’s young, des bâtonnets lumineux multicolores forment l’inscription Yello. Le visage d’un jeune homme en premier plan: Boris Blank – de face, de côté, le corps entier dans un jeu d’ombres, des coupes rapides, différentes perspectives, couleurs fortes, puis Dieter Meier au micro avec des couleurs monochromes changeantes en arrière-plan. Tout est coloré, se dissout puis recommence, enchaînant coupures, jeux de lumière et de couleur. Le son est rythmiquement varié, accompagné d’une voix parlée. Un produit artistique audiovisuel qui exploite les possibilités musicales et visuelles du média de manière expérimentale, mais sans le surcharger : simple, ludique, léger, élégant, sûr de lui et sans se prendre trop au sérieux.

 


Yello: The young, Video 1981

C’est ainsi que se présente Yello – et la répartition des rôles restera constante : Blank crée les paysages sonores à partir de samples et patterns rythmiques, tandis que Meier se charge de l’aspect visuel et de la voix. Meier aime se définir un amateur, qui n’a jamais rien appris d’artistique et que tout se décide par pur hasard, lors que Blank se définit un peintre sonore et attribue avec amour des noms individuels à ses samples.

Si la vidéo de The evenings young a encore un parfum de «fait maison», celle de Bostich, datant 1984, qui a catapulté Yello en tête des hit-parades mondiales sur maxisingle vinyle en tant que « natural born hit », est un peu plus élaborée, même si légere et avec une touche underground : Blank et Meier sont à nouveau les protagonistes, avec cette fois-ci des appareils et des pièces de machines qui dansent en rythme.

 


Yelllo: Bostich, Video 1984

 

Les années 80 voient également la création de la chaîne télé Music Television, MTV, à New York : avec ses 50 déclinaisons régionales, ce nouveau canal de diffusion consolide de nombreuses carrières pop. L’orientation audiovisuelle de Yello s’adapte tout naturellement à ce nouveau média. Le duo ne l’utilise pas « seulement » pour des vidéos musicales, mais y tisse aussi des histoires bizarres, comme par exemple dans la performance Dr. Van Steiner de 1994, où Blank, interviewé par Meier, joue ses sons de manière cachée et les reproduit par imitation.

 


Yello Video@MTV: Dr. Van Steiner, 1994

 

Ces vidéos sont devenues culte, d’autant plus que Yello – contrairement à beaucoup d’autres groupes – évite généralement les concerts live: après quelques premières apparitions, encore en trio avec Carlos Peron, membre fondateur, à Zurich, et une performance légendaire en 1984 au DJ-Club Roxy à New York, Yello s’est fait rare jusqu’en 2016, à l’occasion de la sortie de l’album toy, avec des live au Kraftwerk de Berlin accompagnés d’un ensemble de cuivres. Ces concerts ont été un grand succès à guichets fermés.

Le fait que Yello reçoive le label de groupe de pop suisse d’exportation, notamment grâce au nouveau média, ne rend guère justice au duo. Car Yello est tout autant un projet artistique qui échappe à toutes les catégorisations habituelles. Blank et Meier évoluent individuellement dans des scènes plus expérimentales. Meier dans l’art de la performance : avec des actions absurdes, il attire l’attention dans les années 70 à Zurich et New York ou en 1972 à la Documenta-Halle de Kassel et représente même la Suisse en 1971 au Museum of Modern art de New York lors du show Swiss Avantgarde. Il amène la subversion dans le projet musical Yello. Blank, pionnier de l’électronique et virtuose du sample, évolue avant Yello dans l’underground électro expérimental zurichois et londonien et s’inspire de légendes du jazz et de la musique contemporaine comme John Coltrane, Pierre Boulez et György Ligeti. Il transporte l’esprit d’innovation dans ses peintures sonores Yello, dans lesquelles Meier s’intègre avec sa voix profonde.

 

Des prix venant d’ horizons différents

Les prix que le duo reçoit au fil des ans proviennent logiquement de milieux très différents: le prix artistique de la ville de Zurich en 1997, le Swiss Music Award pour l’album touch yello en 2010, le prix Echo pour les 35 ans de Yello en 2014, pour n’en citer que quelques-uns. Dans le volume « Oh Yeah ! » publié en 2021, avec une simple couverture en noir et blanc par l’édition Patrick Frey, Yello jette un regard artistique, tant musical que visuel, sur leurs 40 ans d’histoire commune.

Dans les autres projets musicaux que Blank et Meier poursuivent parallèlement à Yello, les deux hommes vivent d’autres aspects de leurs personnalités. Dans son groupe Out of chaos fondé en 2012, Meier utilise sa voix différemment et développe lui-même des morceaux, tandis que Blank intègre d’autres voix dans ses projets solo et fouille dans sa riche bibliothèque sonore avec un autre objectif. En 2014, par exemple, il a travaillé en étroite collaboration avec la chanteuse Malia pour l’album Convergence. Tandis que pour Electrified, de la même année, il a recyclé et numérisé de vieux morceaux analogiques de l’ère pré-Yello pour une édition spéciale et limitée avec tous les formats enregistrés au fil des ans – vinyle, DVD, CD, cassette, en combinaison avec des vidéos en partie réalisées par lui-même. Avec les outils numériques actuels, il aime autant expérimenter visuellement qu’acoustiquement.

Des rythmes et des paysages sonores sophistiqués et accrocheurs, associés à des textes croustillants et des visuels colorés et peu sophistiqués, le tout mélangé avec une ironie subversive et une élégance légère. Yello conservera ce son et cette image pendant 14 albums communs, tout en s’appropriant à fur et à mesure de nouveaux outils techniques et en jouant avec les ressources de la numérisation.

 


Yello, Wabaduba, point, Video 2020

 

2020 : Dans Wabaduba, leur 14ème et dernier album en date, Meier et Blank dansent de manière synchronisée : désormais tous deux âgés d’environ soixante-dix ans, dans un simple décor de grande ville de science-fiction en noir et blanc, animé par ordinateur, Meier en costume et Blank en col roulé noir à la James Bond et lunettes de soleil. Le monde passe – Meier et Blank restent – et ne cessent de nous surprendre.

A propos de l’application Yellofire, développée et lancée il y a quelques années seulement par Blank lui-même, qui permet à chacun de générer des sons semblables à ceux de Yello, Meier déclare : « Avec ça, on va peut-être pouvoir faire des concerts live – il nous restent encore environ 30 ans pour cela ».

Les deux hommes sont cool et fidèles à eux-mêmes. Une marque qui évolue avec le temps et qui exploite habilement toutes les évolutions médiatiques, tout en restant toujour reconnaissable : c’est ce qui fait de Yello, contre vents et marées, créateur de tendances et projet artistique global.
Gabrielle Weber

 

Portrait Yello zVg. Yello ©Helen Sobiralski

 

Sur les profils neo de Yello et Boris Blank, on trouve du matériel vidéo en partie encore inédit, notamment la vidéo The pick up de Boris Blank où du contenu autobiographie est mêlée à l’expérimentation sonore et visuelle pour former un récit personnel.

40Jahre Yello – Oh Yeah!: Ed. Patrick Frey; Boris Blank: Electrified 2014; Boris Blank&Malia: Convergence 2014; Malia; Dieter Meier: Out of chaos; Label Suisse, Carlos Perón, Label Suisse

Grand Prix Musik: Yello

les autres prix:
L’Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp
Fritz Hauser; Arthur Hnatek; Simone Keller; Daniel Ott; Ripperton; Marina Viotti
Spezialpreise Musik:
AMR Genève; Daniel « Duex » Fontana; Volksmusiksammlung Hanny Christen

La cérémony aura lieux le 16 Septembre à Lausanne dans le cadre du Festival Label Suisse.

émissions SRF 2 Kultur:
Musik unserer Zeit, Erstausstrahlung 27.7.22, 20hYello – Gesamt-Kunstprojekt erhält Grand Prix Musik 2022, Redaktion Gabrielle Weber
Wiederholung, Passage, 28.8.22, 15h
MusikMagazin, 14./15.5.22: Yello – Das Schweizer Elektropop-Duo bekommt den Grand Prix Musik, Redaktion Annelis Berger

Neo-Profils:

Yello, Boris Blank, Swiss Music Prize, Label Suisse

Wenn aus Leidenschaft Subversion wird

Portrait Simone Keller – Pianistin, Kuratorin, Performerin und Musikvermittlerin

Corinne Holtz
Das Jahr 2020 beginnt dicht getaktet mit Konzerten. Für Laptop4, ein instrumentales Theaterstück von Lara Stanić, schaltet das Kukuruz Quartett auch Kamera und Mikrofon ein. Für die Produktion des Ensemble Tzara und Uraufführungen von Patrick Frank und Trond Reinholdtsen sitzt Simone Keller am Klavier. Am Tag vor der Ankündigung des Lockdown, am 12. März, präsentiert sie zusammen mit dem Ensemble thélème ein launiges Programm mit Vokalmusik von Guillaume de Machaut bis Francis Poulenc.

 

Portrait Simone Keller © Lothar Opilik

Dann gehen die Lichter aus. Auch die Uraufführung Grosse Stimmung  von Edu Habensak für verschieden gestimmte Klaviere ist betroffen. Die Ruhrtriennale wird abgesagt, das Festival Wien Modern jedoch soll Ende Oktober stattfinden. Die Parkettsessel im grossen Saal des Wiener Konzerthaus müssen weichen. Es wird Platz geschaffen für insgesamt zehn unterschiedlich gestimmte Konzertflügel.

Simone Keller, Tomas Bächli und Stefan Wirth haben fest vor, am 31. Oktober den über drei Stunden dauernden Zyklus zu spielen. Das Finale ist ein neu beauftragtes Tutti, bei dem Studierende der Universität für Musik und darstellende Kunst mitwirken.
«Ja, wir reisen nach Wien, ausser es gäbe wirklich ein Einreise-Verbot. Auch die Quarantäne würden wir in Kauf nehmen. Ich habe Anfang September bei den Wiener Festwochen gespielt. Die Veranstalter haben unendlich sorgfältig Regeln und Massnahmen eingehalten, damit die Vorstellungen stattfinden konnten.»


Rat einer Frau: « weniger Emotionen zeigen und die Frisur vorgängig mit einem Mann absprechen.. »

Simone Keller spricht auch offen über die finanziellen Folgen der Pandemie. 80% der Verdienstausfälle konnte sie in den letzten Monaten durch die staatlichen Unterstützungsmassnahmen decken. Das neue Covid-Gesetz, seit September in Kraft, sichert den Erwerbsersatz bis Juni 2021. Berechtigt ist aber nur, wer gegenüber den Einnahmen von 2015-2019 eine Umsatzeinbusse von mindestens 55% belegen kann. « Das ist natürlich ein Hohn, wenn man wie ich im Jahr nur 40’000 Franken verdient, also auch mit 100% nur knapp durchkommt. »

 

Simone Keller in Lara Stanic, Fantasia für Klavier-Solo und Elektronik, 2020

Die Krise ist existenziell. Trifft sie Frauen härter als Männer? «Als freischaffende Künstlerin bin ich sowieso zuunterst in der Nahrungskette. Dort wird wahrscheinlich nicht mehr nach Geschlecht abgestuft.» Anders sieht es aus, wenn Frauen auf die Bühne kommen und Signale senden, die das Publikum bewertet. «Für mich war die Rückmeldung einer Frau in einer hohen Leitungsfunktion ein Schlüsselerlebnis. Sie riet mir, weniger Emotionen beim Musizieren zu zeigen und meine Frisur immer vorgängig mit einem Mann abzusprechen. Sie selber würde immer ihren Ehemann fragen, wie er ihr Äusseres bewerte, bevor sie zu einem wichtigen Termin gehe.» Seither schaut sich Simone Keller «auch den Sexismus unter Frauen genauer» an.

 

Simone Keller spielt Julia Amanda Perry © Wiener Festwochen 2020 reframed

« möglich machen, was unmöglich ist »

Die Musikerin erforscht sich selbst, wenn sie wenig bekanntes Repertoire erschliesst und erfrischende Formen der Programmierung wagt. Zum Beispiel im Rahmen der Carte blanche, die ihr der Jazzclub Moods in Zürich gewährt hat. «Möglich machen, was unmöglich ist», sagt die Pianistin und Kuratorin am ausverkauften Eröffnungsabend des Festivals ‘Breaking Boundaries’. Ihr Treiber scheint Leidenschaft und Subversion in einem zu sein, getragen vom Feuer, endlich wieder vor Publikum spielen zu dürfen.

Drei Spielorte hat sich Simone Keller für die drei Programmpunkte ausgedacht: vier Konzertflügel in jeweils eigener Stimmung für einen Querschnitt aus Edu Haubensaks Klavierzyklus Grosse Stimmung, sechs Klaviere für Musik von Julius Eastman -interpretiert auch von drei Asylsuchenden als MitmusikerInnen-, sowie den Flügel aus dem Moods für die Improvisation von Vera Kappeler und Peter Conradin Zumthor am Schlagzeug. «Der Aufwand war enorm, die Realisierung verdanken wir dem Einsatz des Klavierbauers Urs Bachmann und seinem Team.»


Einladung zum Farbenhören – eine einzige Taste wird zum Mikrocluster

Simone Keller versprüht Funken wenn sie loslegt. Jeder Ton bekommt jene Zufuhr an Energie, die er braucht. Präzise platziert in Raum und Zeit, geformt aus pianistischem Feinsinn. Patterns werden zu nachvollziehbaren Phrasen. Schockmomente sind ebenso überlegen ausgearbeitet wie lyrische Gesten. Die extrem physische Musik Haubensaks wird plastisch. Als « Geräuschkuben » bezeichnet Haubensak die resultierenden Klänge: sie springen die Zuhörerin regelrecht an. Das Schwirren der sich überlagernden Schwingungen etwa in Collection II  setzt nie gehörte Farben frei. Es wetterleuchtet im Ohr. Haubensak hat für die Skordatur von Collection II eine eigene Mischstimmung kreiert. Jede Lage des Klaviers bekommt dadurch einen besonderen Charakter. Werden alle drei Saiten (bzw. Töne) einer Taste unterschiedlich gestimmt, weitet sich der Horizont. Eine einzige Taste wird zum Mikrocluster. Das Klavier entgrenzt sich, wenn alle 241 Saiten anders gestimmt sind. Und der Angriff auf das Herrschaftsinstrument wird zur Einladung zum Farbenhören.

 


Simone Keller spielt Edu Haubensak Pur, für Klavier in Skordatur (2004/05, rev. 2012)

 

Simone Keller formuliert über die Kunst hinaus «kühne Wünsche»: Soziale Absicherung von Künstlerinnen und Künstlern, ein Grundeinkommen bei gleichzeitiger Selbstverantwortung des Risikos, Einbindung von Aussenseitern in die kulturelle Praxis. Dort wird es vermehrt zu tun geben, denn die Krise hat eben erst angefangen. Die Pianistin leitet seit 2014 zusammen mit dem Regisseur Philipp Bartels das Künstlerkollektiv ‘ox+öl’. Es führt Kompositions- und Improvisationswerkstätten durch: für und mit Kindern mit Migrations­hintergrund. Es gibt partizipative Konzerte: mit jugendlichen Gewalt­verbrechern im Gefängnis.

Simone Keller wappnet sich für die unwägbare Zukunft. Im Sommer hat sie sich auf ein weiteres Feld eingelassen: eine «Intensiv-Weiterbildung in Gebärdensprache, ausgelöst von einem Musiktheaterprojekt mit Gehörlosen». Vielleicht macht sie eine Ausbildung und wird Gebärdensprache-Dolmetscherin, «ein sehr gesuchter Beruf». Es kann sein, «dass ich meine soziokulturelle Arbeit im Gefängnis und im Asylbereich vertiefen werde und weniger selber konzertiere.»
Corinne Holtz

Portrait Simone Keller

Festival Wien Modern, Edu Haubensak: Grosse Stimmung, 31.10.20

Simone Keller, Wien Modernox&öl – Breaking Boundaries Festival, Philipp Bartels, Edu Haubensak, Tomas Bächli, Stefan Wirth, Ensemble Tzara, Lara Stanic, Patrick Frank, Ensemble thélème, Duo Kappeler Zumthor, Urs Bachmann, Trond ReinholdtsenMoods Club, Kukuruz Quartett

Sendungen SRF 2 Kultur:
Kontext, Mittwoch, 21.10.20, 17:58h: Künste im Gespräch, Redaktion Corinne Holtz

in: Musik unserer Zeit, Mittwoch, 21.10.20., 20h: Redaktion Florian Hauser / Roman Hošek / Gabrielle Weber: Sc’ööf! & neo.mx3

Neo-Profiles:
Simone KellerEdu Haubensak, Lara Stanic, Stefan Wirth, Ensemble Tzara, Patrick Frank, Peter Conradin Zumthor, ox&öl, Kukuruz Quartett, Trio Retro Disco

Texte:
Thomas Meyer: Edu Haubensak – Das wohlverstimmte Klavier, in: Schweizer Musikzeitung, Nr. 11, November 2011
Edu Haubensak: von früher…von später. Im Dickicht der Mikroharmonien, in: MusikTexte 166, August 2020
Pauline Oliveros: Breaking Boundaries