Nora Vetter – Les contextes performatifs

Nora Vetter, violoniste alto et compositrice basée à Lucerne était en 2023-2024 bénéficiaire du réseau Double Classic du Pour-cent culturel Migros. La plateforme de mentorat permet chaque année à plusieurs musiciennes et musiciens de travailler en profondeur sur un projet spécifique, en bénéficiant de l’acompagnement d’un ou d’une coach. A cette occasion, nous revenons avec elle sur ses processus de création et ses impressions après une année de coaching, qui a mené à la réalisation d’une nouvelle oeuvre pour batterie solo. Un Portrait d’Alexandre Babel.


Portrait Nora Vetter zVg. Nora Vetter

 

Alexandre Babel
Après un master en musique contemporaine à Bâle, Nora Vettter a choisi la ville de Lucerne où elle s’engage activement comme altiste avec l’ensemble Latenz et le collectif Kulturbrauerei, dans la production d’événements avec le Forum Neue Musik ou autour de projets performatifs avec le collectif VAMM! Elle fait partie de ces instrumentistes dont l’engagement ramifié dans une pluralité de contextes contemporains l’a amené à se questionner sur sa propre force créative. Ainsi depuis 2019, elle développe un corpus de travaux de composition, une manière pour elle de structurer le lien entre l’espace et l’action musicale. 
 

“J’aime écrire pour des lieux particuliers, c’est comme ça que j’ai commencé. Mon premier projet se déroulait dans les Silos à grains désaffectés de Altdorf dans le canton d’Uri en 2019. L’espace architectural était extraordinaire, avec une réverbération de près de quinze secondes.” explique Nora Vetter. “J’y ai présenté deux travaux sonores. L’un consistait à faire tomber des morceaux de pain sec depuis l’ouverture du toit du silo. Au sol, deux assistants devaient en recueillir les miettes et les placer dans des sacs. Cela produisait une série petites bombes dont l’impact au sol augmenté de la réverbération acoustique posait la base d’une structure sonore”. En apparence performative et phénoménologique, cette première action abrite une volonté de sculpter le son et de l’organiser dans l’espace temporel. En même temps, le contexte architectural revêt ici une telle importance qu’il va influencer la perception du phénomène sonore. Des préoccupations que Nora Vetter aime souligner, quel que soit le contexte formel de ses travaux.

En 2022, lors du concert de clôture du Festival Forward dans le cadre du Lucerne Festival, le collectif VAMM! qu’elle compose avec Urban Mäder, Peter Allamand et Pia Matthes proposait Ein sauberes Ende, une ‘intervention collective’ pendant laquelle un groupe de près de trente intervenant:es entreprend une action de nettoyage à la fin du concert. “La performance n’était pas vraiment un nettoyage conventionnel” explique Nora Vetter, “et nous avons introduit des outils qui n’appartenaient pas au matériel du bâtiment, comme des pinces à déchets et des souffleurs à feuilles, qui dispersaient les partitions au début de la pièce.”

 

Urban Mäder, Peter Allamand Pia Matthes et Nora Vetter, Ein sauberes Ende, UA Lucerne Festival Forward, Konzertsaal KKL, November 2022.

 

Quand on s’interroge sur la part compositionnelle d’une telle intervention, Vetter précise: “Si l’idée de départ était bien de nettoyer l’espace alors que le public était encore assis dans la salle, nous avons petit à petit donné une dimension musicale à l’action. Je définirais plutôt cette pièce comme une composition, puisque nous avons prêté attention à la succession des sons, à la superposition des textures sonores que nous voulions consciemment entendre dans un certain ordre.”

Cette dualité entre action performative et structure musicale, Nora Vetter la représente dans des travaux tels que Dream Paralysis, une pièce de concert écrite en 2021 pour lensemble Latenz. “Alors que mon travail dans les Silos à grain d’Altdorf s’adaptait à un lieu existant, Dream Paralysis est dédiée à un groupe de gens en particulier.” décrit Vetter. “Mais j’avais besoin d’un élément en plus avec lequel je puisse modeler l’espace visuel. Je me suis tourné vers l’utilisation de la lumière, en la distribuant en plusieurs couches distinctes: des tubes à néon et des lampes de poche opérées par les interprètes et les lumières de scène qui dessinaient différents tableaux programmés d’après la forme musicale. Ces éléments constituent le point de départ d’un espace dédié au rêve”. La pièce, qui s’inspire des cycles du sommeil, joue avec la combinaison des sources perceptives. Elle poursuit: “Lorsque la lumière diminue, la perception se modifie. Au fait lorsqu’on atténue le champs visuel, la capacité de percevoir d’autres éléments s’amplifie en conséquence, j’aime cette idée. »

 

Nora Vetter, Dream Paralysis

 

On retrouve dans Dream Paralysis l’usage de gestes performés non reliés à la production de son, mais qui participent activement à la dramaturgie compositionnelle. Un attribut performatif qui, en apparence, distancie cette oeuvre de la dernière production de Nora Vetter, Patch work, élaborée au cours de son année de mentorat. “Patch work est un solo de batterie acoustique, écrit pour le percussionniste Ruben Bañuelos. C’est une pièce de musique pure, aux antipodes d’un travail comme Ein Sauberes Ende.” explique Vetter. Pourtant, les préoccupations performatives de la compositrice n’ont pas été oubliées. “Ce qui m’a vraiment intéressé au cours du mentorat a été de prendre conscience de la connotation que peut porter un instrument, en l’occurrence la batterie. La présence même d’une batterie seule sur la scène d’un récital est déjà un ‘statement’ performatif.” On peut alors s’interroger si la réduction de moyens n’a pas justement permis à la compositrice d’isoler l’essence même du geste scénique. “La percussion est incroyablement chorégraphique en soi” conclut Vetter. “Les gestes, parfois fins, que Ruben exécute pour produire le son racontent déjà un univers. Finalement avec cette pièce j’ai l’impression de poursuivre le même travail commencé il y a des années”.
Alexandre Babel

Portrait Nora Vetter zVg. Nora Vetter

Latenz Ensemble, Kulturbrauerei Luzern, Forum Neue Musik Luzern, Ruben Bañuelos

émissions SRF Kultur :
neoblog, 11.11.2022: Das Lucerne Festival Forward nimmt « ein sauberes Ende », Autor Jaronas Scheurer.

neoprofiles :
Nora Vetter, Urban Mäder

Marianthi Papalexandri-Alexandri et l’autonomie des objets

Les travaux de Marianthi Papalexandri-Alexandri constituent une fascination pour la vue et l’écoute. Son oeuvre qui se décline en une pluralité d’objets, d’installations sonores et de performances surprend les visiteurs et les auditeurs par la simplicité et l’élégance de son fonctionnement. Une rencontre avec l’artiste a permis de discuter du rapport intime que les objets entretiennent avec le son.

Portrait Marianthi Papalexandri-Alexandri zVg. Marianthi Papalexandri-Alexandri

Alexandre Babel
Lorsqu’on pénètre dans la salle d’exposition, une composition sonore composée de multitudes d’impulsions courtes emplit l’espace. Les sons sont si rapprochés entre eux qu’on n’en perçoit qu’une texture dense et mouvante. A l’approche de l’objet que constitue la pièce de Marianthi Papalexandri-Alexandri Modular n.3, la source du son se rapproche de l’oreille et on commence à différencier les impulsions les unes des autres. A mesure que l’on s’en approche, cet objet à la fois installatif et sculptural révèle son identité, au même titre que le son. On distingue une quantité de petits hauts-parleurs dénudés, suspendus à l’aide d2’un fil de nylon, dont l’extrémité supérieure est reliée à une poulie en bois. la poulie exerce un mouvement rotatif permanent qui, par friction avec le fil de nylon, crée des impulsions sonores amplifiées par les haut-parleurs.

 

Marianthi Papalexandri-Alexandri, modular n.3, en collaboration avec Pe Lang, 2019.

 

La musique ainsi créée par l’installation, la troisième d’une série éponyme créée en collaboration étroite avec l’artiste Pe Lang, est indissociable de son apparence physique. Si la collection de hauts-parleurs produit un univers sonore autonome, la compréhension du mécanisme de production déroule un narratif qui révèle une dimension concrète et poétique. “J’aime amener l’attention d’un auditoire sur  la manière dont un instrument est construit. Je crois que dans mes travaux, la structure est basée sur une démonstration didactique: comprendre comment ça fonctionne.” explique Papalexandri-Alexandri.

Le principe de Modular n.3 que l’on retrouve dans d’autres oeuvres de l’artiste telles que Untitled n.V ou Speaking of Membranes interroge sur les attentes liées à la fonction de l’objet. Un haut-parleur est généralement employé à la diffusion du son par le biais de l’amplification d’un courant électrique. Ici pourtant, les hauts-parleurs ne sont pas branchés, le son qui s’en dégage est acoustique.

“ On reconnait bien qu’il s’agit d’un haut-parleur, mais je veux lui donner un espace privilégié, je veux écouter sa propre voix.” Si Papalexandri-Alexandri rend le public attentif à l’essence de l’objet à travers sa mise en vibration par le dispositif kinétique, qu’en est-il lorsque l’installation n’est pas allumée, ou si l’objet était exposé comme matière inerte? L’artiste poursuit: “je me demande parfois: si un objet sonore ou musical ne produit pas de son, que lui arrive-t-il, s’agit-il d’un objet mort? Je pense que tout objet musical est fonctionnel. Lorsqu’on le met en mouvement, on explore un certain type de fonctionnalité. Mais peut-être qu’il y a différentes formes de fonctionnalité à explorer sur un même objet.”

Dans le Solo for generators, motors and wind resonators créée pour la flûtiste à bec Susanne Fröhlich, avec laquelle Marianthi Papalexandri Alexandri entretient une relation au long terme, on trouve ici aussi un rapport à l’instrument qui détourne les attentes conventionnelles. La flûte à bec a été préalablement démontée en plusieurs parties et est présentée posée à plat sur une table. Sur la même table se trouve un appareil motorisé qui met en rotation des fils reliés à des membranes qui ont été tendues sur les parties ouvertes de la flûte. Le résultat ainsi produit s’apparente à de longues onde sonores. “Comme nous avons démonté l’instrument, on ne le voit plus lui-même, on en voit des fragments.” explique la compositrice. Encore une fois, l’utilisation d’un objet musical que l’auditeur associe généralement avec une certaine utilisation, en l’occurrence la production de son en soufflant dans le bec, va être transformée en une manifestation sonore générée par l’instrument lui-même. Papalexandri-Alexandri poursuit: “Lorsque l’on place cet instrument-là sur une scène ou dans une situation installative, il devient un objet résonateur. On le voit comme un corps et non plus comme l’instrument de musique que l’on connaît. A travers ce genre de procédés, j’ai le sentiment d’offrir au public une nouvelle accessibilité à l’instrument, de lui rendre hommage.”

 

Marianthi Papalexandri-Alexandri, salon de musique du 31, Susanne Fröhlich, Festival Archipel Genève, mars 2019.

 

L’univers de Marianthi Papalexandri-Alexandri révèle une attention donnée à la précision de fabrication. On devine, au travers de la mise en place immaculée de ses dispositifs, que l’artiste s’assure un certain contrôle sur la marche des choses. Cependant, au moment de la performance, cette notion de maîtrise programmée ne confère pas à l’oeuvre une qualité rigidifiée. Au contraire, elle laisse entrevoir une dimension de fragilité qui émane des possibles imperfections liées à la marche du temps. En parlant du Solo for generators, motors and wind resonators, la compositrice nous apprend ainsi que le contrôle n’est jamais absolu. “lorsque je joue moi-même avec ce dispositif, j’arrive à le sentir et à générer des sons magnifiques, il en va de même avec Susanne (Fröhlich). Mais j’ai aussi vécu des situations où le dispositif ne fonctionnait pas pendant la performance. Cela est dû à une tension entre l’interprète et la machine qui est nécessaire pour que la pièce prenne forme.”

La dualité entre contrôle et fragilité participe à la charge poétique des oeuvres de Papalexandri-Alexandri, qui poursuit: “Finalement, il ne sagit pas vraiment de contrôle. Mon attitude consiste plutôt à accepter la façon dont les choses se déroulent.” Lorsquon interroge Marianthi Papalexandri-Alexandri sur la marche quelle aimerait donner aux choses, elle répond Que puis-je moi-même apporter? Jaimerais simplement me confronter aux objets existants, ils ont déjà tellement à raconter”.
Alexandre Babel

neo-Profil :
Marianthi Papalexandri-Alexandri, Pe LangFestival Archipel

Daniel Zea compose pour des boîtes en carton et des avatars

Le compositeur colombien-suisse Daniel Zea conçoit le son en tant que matière plastique. Dans ses œuvres, il associe sons, mouvement, électronique et vidéo avec des configurations numériques. Un portrait de Jaronas Scheurer.

Jaronas Scheurer
«Je compose de la musique plus comme le ferait un designer qu’un compositeur», déclare Daniel Zea au cours de notre entretien. «Ce qui m’intéresse sont des sujets comme la symétrie ou l’asymétrie, l’ergonomie et l’équilibre, et je conçois le son comme une matière plastique». Zea a également étudié le design industriel en Colombie, avant d’étudier la composition à Bogotá avec Harold Vasquez-Castañeda, puis de venir à Genève pour terminer ses études avec Eric Gaudibert à la haute école de musique (HEM). Il s’est ensuite formé pendant deux ans à l’Institut de sonologie de la Hague, avant de co-fonder l’ensemble Vortex et d’enseigner design interactif à la HEM de Genève: Le CV de Daniel Zea est donc long et varié – designer industriel, compositeur, designer audio, artiste média, programmeur.

Daniel Zea en avatar dans sa pièce Autorretrato. © Daniel Zea

Daniel Zea compose généralement pour des réseaux complexes, où interprètes, instruments traditionnels ainsi que développés par ses soins, électronique, projections vidéo et programmes informatiques sont reliés entre eux. «Lorsque je travaille avec des systèmes interactifs, il s’agit en fait à chaque fois d’un projet de conception: je développe une configuration qui combine le matériel, le logiciel et l’interaction humaine de manière à créer du son, de la musique». Ses œuvres associent mouvement et son en résultant en des instruments développés par ses soins ou en partitions qui se génèrent en temps réel – comme par exemple dans Box Tsunami de 2021.

Daniel Zea a composé Box Tsunami 2021 pendant la pandémie de Corona pour les quatre musiciens du Concept Store Quartet.

Box Tsunami

Zea a écrit Box Tsunami pour le jeune quatuor bâlois Concept Store Quartet pendant la pandémie. L’énormité des colis envoyés, symbole de la frénésie de consommation, a été son point de départ: «Un homme devant une boîte vide – c’est déjà très poétique. Qu’est-ce que cela signifie? Pourquoi l’homme est-il assis là? Pourquoi la boîte est-elle vide?» Et c’est ainsi que Box Tsunami commence: quatre musiciens.ennes sont assis avec leurs instruments et un ordinateur portable devant de grandes boîtes en carton. La partie supérieure de celles-ci est ouverte et une lumière blanche en sort. Des coups, des bruits et des grincements se font entendre dans les boîtes. Les musiciens.ennes sont concentrés sur leurs ordinateurs portables et superposent des sons délicats et filigranes aux bruits qui sortent des boîtes – chacun pour soi, sans trop faire attention aux autres.

Pour Box Tsunami, Zea a commencé par développer les boîtes sonores. Il les a équipé de petits marteaux électriques et de «transducteurs» qui transmettent des signaux comme des sortes de haut-parleurs. La boîte en carton devient ainsi un instrument qu’il commande électroniquement. Les signaux sont toutefois plutôt faibles, c’est pourquoi les quatre musiciens.ennes ne peuvent jouer que doucement et délicatement. Pour relier les musiciens et les boîtes au niveau de la composition, les marteaux électriques sont commandés par le/la percussionniste au moyen d’un drum pad Midi. Une boucle interactive relie les musiciens.ennes et les boîtes en carton et la partition est générée en temps réel. Comme lors des lockdowns, tout le monde est assis devant leur écran, captivé, dépendant des actions des autres et surtout des moyens de communication technologiques, mais ne se rencontrant jamais. Et autour s’empilent les boîtes en carton issues des achats en ligne – Box Tsunami.

In Dans l’autoportrait de Daniel Zea et le solo show Autorretrato de 2023, on le voit assis devant une caméra et, sur l’écran, un avatar de lui plus grand que nature.

Autorretrato

Le cadre de la composition Autorretrato (autoportrait) est plus simple: Zea est lui-même assis devant une caméra pendant que sur l’écran derrière lui, on voit un avatar qui exécute ses mêmes mouvements faciaux, un doublon numérique. Avec les mouvements du visage, Zea peut diriger et manipuler des sons. Au fil du temps, l’écran se peuple de différents objets comme une canette de Coca, des talons hauts, une grenade ou un crucifix. Cela se fait au moyen d’une application de facetracking reliée au programme audio. Pour Autorretrato, Zea est à la fois compositeur, concepteur audio, développeur de logiciels et interprète. «Le plus difficile a certainement été la performance», déclare Zea. «Je n’ai pas l’habitude d’être seul au milieu de la scène et j’étais par conséquent nerveux avant la première. C’est aussi une pièce très personnelle. D’un côté, c’est risqué, mais cela me permet aussi de dire et de faire des choses que je ne ferais pas autrement».

Autorretrato a été conçue récemment et Zea qualifie l’œuvre de «work in progress» : «J’aimerais encore peaufiner et développer certaines parties du morceau. Chaque jour, d’une manière ou d’une autre, nous continuons à travailler sur notre autoportrait », il explique. Zea aussi continue ainsi à construire: il associe le son et le mouvement, étudie en composition les mouvements les plus subtils du visage, développe des instruments et intègre tout cela dans ses réflexions sociopolitiques.
Jaronas Scheurer

Portrait Daniel Zea © Vincent Capes

Du 30 avril au 5 mai 2024, le Festival les Amplitudes à La Chaux-de-Fonds sera consacré à l’œuvre de Daniel Zea. Entre autres, l’Ensemble Vortex, qu’il a cofondé, jouera ses compositions, une nouvelle œuvre pour orchestre sera présentée et une installation sonore de Daniel Zea et Alexandre Joly aura lieu pendant toute la durée du festival.

Nejc Grm, Alicja Pilarczyk, Pablo González Balaguer

Émissions SRF Kultur:
neoblog, 14.10.2020: la ville – une composition géante, auteur Anya Leveillé
neoblog, 23.01.2022 : Portrait unserer Zeit, Autorin Gabrielle Weber

Neo-Profils: Daniel Zea, Concept Store Quartet, Ensemble Vortex, Eric Gaudibert, Jeanne Larrouturou

Contrechamps Genève célèbre l’écoute

Contrechamps Genève & partage ton Vinyle !

L’Ensemble Contrechamps Genève a démarré une saison dense avec de nombreux highlights. Le programme est exemplaire de la nouvelle orientation de l’ensemble genevois de musique contemporaine, sous la direction artistique du percussionniste Serge Vuille. Il a repris l’ensemble il y a cinq ans et a depuis radicalement remodelé son ADN. Entretien avec Serge Vuille :

 

Portrait Serge Vuille © Serge Vuille

 

Gabrielle Weber
Contrechamps bespielt den grossen Konzertsaal der Victoria Hall in Genf, es eröffnet die Festivals Biennale Musica Venezia oder Sonic Matter Zürich oder es lädt ganz einfach – ohne Konzert – zu einem Vinyl- und neo.mx3.ch-Release-Hörwochenende in Genf ein. Die unterschiedlichen Veranstaltungen sind charakteristisch für die neue Ausrichtung des traditionsreichen Ensembles unter Serge Vuille.

Contrechamps se produit dans la grande salle du Victoria Hall à Genève, ouvre les festivals Biennale Musica Venezia ainsi que Sonic Matter à Zurich ou invite tout simplement – sans se produire en concert – à un week-end d’écoute de vinyles et de releases neo.mx3.ch à Genève. Ces différentes manifestations sont caractéristiques de la nouvelle orientation de l’ensemble dirigé par Serge Vuille.

« Contrechamps cherche un équilibre entre différentes pratiques musicales », explique Vuille.

Il y a d’une part des concerts de musique instrumentale pour grand ensemble, souvent liés à des compositeurs et à la jeune scène romande et d’autre part des projets en lien avec d’autres disciplines et genres musicaux, en combinaison avec les arts visuelles, les performances, l’électronique, la pop ou le jazz. Il s’agit toujours de proposer des expériences d’écoute très particulières.

La saison a débuté avec un concert pour le 65e anniversaire du compositeur genevois Michael Jarrell, un concert « traditionnel » pour grand ensemble au Victoria Hall. Pour ce faire, Contrechamps a commissionné sept nouvelles pièces brèves à ses étudiants. « Nous soutenons et encourageons ainsi la scène régionale, ce qui est un point important pour nous », explique Vuille.

Fin 2022, il avait déjà organisé un hommage à Éric Gaudibert, compositeur lausannois décédé il y a dix ans et qui a fortement marqué la scène. Outre Gaudibert, 22 nouvelles miniatures d’environ une minute chacune, composées par des anciens étudiants, avec des formations très différentes et librement choisies ont été interprétées.

 


Éric Gaudibert, Skript, pour vibraphone et ensemble, Contrechamps, Bâtiment des Forces Motrices de Genève, Concours de Genève, 2009, in-house production SRG/SSR-

 

 

Dans tout autre contexte, en ouverture de la Biennale Musica Venezia, Contrechamps a présenté GLIA pour instruments et électronique, une œuvre de Marianne Amacher, pionnière américaine de l’électronique et artiste décédée en 2009. Vuille s’intéresse également à l’aspect de l’expérience d’écoute commune particulière de l’œuvre d’Amacher : lors de l’ouverture du festival dans une grande salle vide et assombrie pour l’occasion du reconverti chantier naval Arsenale, le public (dont l’auteur), entouré de haut-parleurs, a suivi des modifications sonores extrêmes en déambulant, avec les instrumentistes jouant sur un podium, comme des sculpturess sonore vibrantes, ou se déplaçaient parmi les auditeurs. « GLIA est presque une installation sonore, une partie de la pièce se déroule dans les vibrations internes de l’oreille et non pas dans l’espace, la composition n’est pas basée sur une partition, mais sur les rapports des participants, ce qui exige une grande créativité de la part de chacun des interprètes », explique Vuille.

 

Maryanne Amacher, ‘GLIA’ Contrechamps dans le concert d’ouverture de la Biennale Musica Venezia, Arsenale 16.10.2023 © Gabrielle Weber

 

Pour revenir aux miniatures de Gaudibert, elles figurent désormais sur l’un des nouveaux vinyles mentionnés au début de l’article et marquent le début de la nouvelle série de vinyles Contrechamps/Speckled-Toshe, en collaboration avec le label lausannois Speckled-Toshe. « La commission de 22 compositions d’une minute chacune, a été un travail immense et des œuvres si variées ont été créées que nous voulions terminer l’hommage par un objet durable de cette nouvelle génération. Le disque vinyle est le format le plus approprié pour cela, il n’y a guère de meilleur format, tant en termes de qualité d’enregistrement, que de transmission sonore et d’objet ».

 


Daniel Zea Eric – Cara de Tigre pour ensemble et bande magnétique, l’une des 22 miniatures du nouveau disque vinyle, Contrechamps / Speckled-Toshe 2023. Le contexte: Gaudibert serait apparu en rêve à Zea sous la forme d’un tigre rieur peu après sa mort, il aurait ensuite longuement pleuré entre tristesse et joie.

 

A l’occasion du lancement du vinyle, Contrechamps a de nouveau proposé une expérience d’écoute particulière: aux 6 toits, centre culturel genevois branché situé dans le cadre d’une ancienne zone industrielle, on a pu écouter pendant un week-end les nouvelles sorties de vinyles ainsi que ses propres disques préférés dans des salons d’écoute. Un vernissage a également été organisé pour célébrer la publication récente des archives audio de Contrechamps sur neo.mx3.ch. En outre, des émissions de radio enregistrées ou diffusées en direct sur la RTS et SRF2Kultur ont été consacrées à l’écoute et à l’enregistrement qualitatif de musique contemporaine.

Tout comme le vinyle, la plateforme de la SSR représente une manière d’écouter et un soin apporté à la production : « Les deux sont liés, en apportant visibilité et continuité à la musique contemporaine – grâce à de nouvelles éditions soignées et à l’entretien d’archives historiques ».

La plateforme de la musique contemporaine suisse propose également de nombreuses œuvres rarement jouées pour des formations inhabituelles, comme Droben schmettert ein greller Stein de Michael Jarrell de 2001 pour contrebasse, ensemble et électronique.

 

Contrechamps a enregistré la pièce de Jarrell en 2005 au studio de radio Ansermet sous la direction de George Benjamin, in-house production SRG/SSR.

 

Contrechamps exploite progressivement les vastes archives radio, en remontant jusqu’en 1986, date des tout premiers enregistrements. «Il est important que de telles plateformes existent et soient appréciées. De nombreux morceaux ne sont audibles nulle part ailleurs, ce qui est unique », déclare Serge Vuille.

On peut y découvrir Feux de Caroline Charrière par exemple. La compositrice Charrière, née en 1960 à Fribourg, est décédée prématurément, en 2018 déjà et Contrechamps s’engage à promouvoir son œuvre. Vuille a également à cœur de donner plus de visibilité aux créations des compositrices et de contribuer à un meilleur équilibre des genres dans la musique contemporaine.

 


Feux pour flûte, clarinette, marimba et cordes de Caroline Charrière, sous la direction de Kaziboni Vimbayi, a été créé à Contrechamps au Victoria Hall de Genève en 2019, in-house production SRG/SSR.

 

Lors du concert d’ouverture du festival zurichois Sonic matter de cette année, Contrechamps présentera de nouvelles pièces de trois compositrices du Proche-Orient pour petit ensemble électronique. C’est là que se rejoignent d’autres passions de Vuille :  » depuis longtemps, je m’intéresse beaucoup à la scène du Proche-Orient. Elle est très vivante en termes de création, notamment dans tout ce qui touche à l’électronique », explique Vuille. Le fait que Sonic Matter collabore cette année avec le festival invité Irtijal de Bejrut est une excellente occasion pour une première collaboration. Et certainement aussi pour d’avantage d’expériences d’écoute uniques.
Gabrielle Weber

 

Evénements mentionnés:
Festival Sonic MatterBecoming / Contrechamps 30.11.2023, 19h (Einführung 18h)
Biennale Musica Venezia, Maryanna Amacher, GLIA / Contrechamps, 16.10.2023
Genève, Les 6 toits: Contrechamps: Partage ton Vinyle!, 20-22.10.2023

Speckled-Toshe; Contrechamps/Speckled-Toshe:
1.Vinyl: 22 Miniatures en hommage à Éric Gaudibert
2.Vinyl: Benoit Moreau, Les mortes

Sonic matterNilufar HabibianIrtijalles 6 toits

Émissions SRF Kultur:
Musik unserer Zeit, 18.10/21.10.23: Partage ton Vinyle! Ensemble Contrechamps Genève feiert das Hören, Redaktion Gabrielle Weber
neoblog, 7.12.22: Communiquer au-delà de la musique, Autorin Gabrielle Weber
neoblog, 19.6.2019: Ensemble Contrechamps Genève – Expérimentation et héritage, auteur Gabrielle Weber

Émissions RTS:
L’écho des pavanes, 21.10.23: Aux 6 toits, enregistrer la musique contemporaine,  auteur: Benoît Perrier
Musique d‘avenir, 30.10.23, Partage ton Vinyle, ta cassette ou ta bande Revox!  auteur: Anne Gillot

Neo-Profils:
ContrechampsDaniel ZeaFestival Sonic MatterBenoit Moreau

Formes en son et en pierre

Cécile Marti est compositrice et sculptrice et elle dit que pouvoir pratiquer ces deux activités en même temps rend sa vie plus équilibrée. Le 3 avril 2023, la première de son quatuor d’accordéons Spectra aura lieu dans le cadre d’un concert de la Société de musique contemporaine Lausanne.

 

Die Komponistin und Steinbildhauerin Cécile Marti. © Martin Messmer

 

Friederike Kenneweg

« J’aime émerger d’un silence absolu et j’essaie de rester dans ce silence si possible la moitié de la journée », dit Cécile Marti lorsque nous nous rencontrons à midi pour une vidéoconférence. Chez elle, le matin est généralement réservé à la composition. « A l’époque où j’ai commencé à composer, cela a jailli à partir du silence absolu. C’est une expérience que je retrouve tous les jours. »

 

Du silence à la composition

Cécile Marti a dû trouver le chemin qui mène du silence au son après avoir été frappée par le destin, car au départ, cette jeune femme passionnée de musique envisageait une toute autre carrière et voulait devenir violoniste.
« J’ai orienté toute ma vie vers le violon, dès mon enfance, il n’y avait pour moi que le violon et le métier de violoniste ».
Mais lorsque, pendant ses études, elle a été victime d’une attaque cérébrale qui l’a empêchée de jouer du violon, il s’en est suivi une longue période de basculement.

« J’ai dû passer par des états sombres et toucher le fond pour rebondir et repenser, voir réinventer ma vie de façon radicale. »

 

Le succès avec bubble trip

C’est à partir de ce processus qu’elle a découvert la composition comme possibilité de continuer à s’exprimer musicalement, même si c’était d’une toute nouvelle manière. Elle a étudié la composition auprès de Dieter Ammann, Georg Friedrich Haas et Julian Anderson et n’a pas tardé à remporter ses premiers succès – par exemple avec son œuvre pour orchestre  bubble trip (2004/2007), avec laquelle elle a remporté en 2009 le concours international de composition organisé dans le cadre des 9e Journées de printemps de Weimar pour la musique contemporaine.

 


En Suisse,  bubble trip a été joué pour la première fois en 2010 par l’Orchestre symphonique de Lucerne.

 

Quarts de tons avec l’accordéon

Cécile Marti vient de terminer l’œuvre Spectra pour quatre accordéons, qui sera présentée en première mondiale début avril par l’ensemble Xamp. La particularité : deux des accordéons de l’ensemble sont construits de manière à pouvoir jouer des quarts de tons. Cécile Marti a profité de cette occasion pour se pencher sur les spectres de sons naturels, comme elle l’avait déjà fait dans des œuvres précédentes.

 


Dans Dancing Spectra pour sextuor de 2018, Cécile Marti avait déjà pris les spectres de sons naturels comme point de départ.

 

L’après-midi la pierre

Cécile Marti consacre ses après-midis à la sculpture sur pierre, qu’elle a découverte en même temps que la composition.
La création visuelle fait partie de son bagage familial : son père travaillait comme graphiste et réalisait sans cesse des dessins et des croquis, tandis qu’avec sa mère, céramiste, elle pouvait suivre le processus de création des pièces en argile. « J’ai pratiquement grandi dans son atelier et j’ai pu voir comment elle façonnait les récipients et comment ceux-ci étaient ensuite cuits et sortaient du four dans toutes les variantes de formes et de couleurs. C’était toujours très excitant ».
Aujourd’hui, elle fait elle-même sortir la forme de la pierre dure – un processus qui représente toujours un nouveau défi et exige une grande concentration.

 

Processus et évolutions dans la pierre et dans le son

L’interaction entre les formes d’art auxquelles Cécile Marti se consacre quotidiennement se retrouve également dans son œuvre. Dans Five stages of a sculpture (2019) pour ensemble et deux altos solos, par exemple, cinq mouvements musicaux font face à cinq étapes différentes de la création d’une sculpture en pierre. L’ensemble symbolise la matérialité de la pierre, à laquelle les parties d’alto donnent peu à peu une nouvelle forme.

 


Five Stages of a Sculpture de Cécile Marti, joué par l`Ensemble Multilatérale.

 

Water Crystals de 2020 utilise comme point de départ les différentes structures de cristaux d’eau photographiées par le chercheur Masuro Emoto à travers le monde dans les années 1990. Le violon et le piano se penchent musicalement sur les structures cristallines hexagonales dans douze miniatures aphoristiques. Douze sculptures en marbre blanc abordent le même thème de manière spatiale et visuelle.

 


Cécile Marti, Water Cristals for violin and piano, 2020, Video 2021 ©Martin Messmer

 

Cécile Marti a trouvé dans ses deux domaines d’activité une source d’épanouissement. « C’est tout simplement quelque chose de si merveilleux et je voudrais pouvoir transmettre cette expérience passionnante, en la partageant », dit-elle. Car façonner et créer est aussi quelque chose qui renfonce le pouvoir personnel.

« Ce qui m’intéresse, est la forme et la mise en forme de nos vies. Donner une forme et donner corps à notre vie. Aussi dans le sens de concevoir et de façonner soi-même sa propre vie de l’intérieur et de construire nos vies de manière autodéterminée à partir de la base. »
Friederike Kenneweg

 

Konzert: 3. April 2023, 19:00/20:15; Société de musique contemporaine Lausanne, Haute Ecole de Musique de Lausanne (HEMU)| Utopia 1 | Rue de la Grotte 2 | 1003 Lausanne: Das Ensemble Xamp spielt Werke von Cécile Marti und anderen Komponist:innen.

Cécile MartiSteinskulpturen von Cécile MartiDieter AmmannJulian AndersonGeorg Friedrich HaasEnsemble MultilatéraleLuzerner SinfonieorchesterEnsemble Xamp

Neo Profile:
Cécile MartiDieter AmmannGeorg Friedrich HaasLuzerner SinfonieorchesterSMC Lausanne

 

Communiquer au-delà de la musique

Eric Gaudibert, pianiste, compositeur et professeur genevois, fut une figure clé de la scène musicale contemporaine et expérimentale en Suisse romande. Décédé il y a dix ans, il a marqué toute une génération de musiciens en tant que pédagogue et soutenu d’importants ensembles de musique contemporaine. Du 9 au 17 décembre, ces derniers organisent un festival en son honneur, avec un marathon de concerts au Victoria Hall de Genève. A cette occasion, 22 miniatures composées par ses anciens élèves seront jouées pour la première fois.   

Gabrielle Weber  
Ils s’appellent Contrechamps, Ensemble Vortex, Eklekto Geneva Percussion Center ou encore Nouvel Ensemble Contemporain (NEC) et leur point commun est non seulement d’être très actifs sur la scène musicale contemporaine romande, mais aussi d’avoir un lien fort avec Eric Gaudibert.   

Daniel Zea, Serge Vuille et Antoine François, les directeurs artistiques de Vortex, Contrechamps et NEC, ont initié le festival en tant que projet collaboratif : « l’idée est venue spontanément en parlant d’Eric et il s’est avéré tout à fait naturel de le réaliser ensemble », estime Daniel Zea, car Gaudibert a été une figure importante pour le développement de toute la scène. La Haute école de musique Genève (HEMG) accueillera une conférence, une projection de films avec table ronde et un concert de Vortex, suivi par le marathon de concerts au Victoria Hall avec l’orchestre de la HEMG. 

Portrait Eric Gaudibert ©DR zVg. Contrechamps

Gaudibert voulait « communiquer au-delà de la musique » ce qui le poussait à enseigner. Cette communication, il l’a d’abord expérimentée en France où, après des études de piano à Lausanne et de composition à Paris, il a travaillé à partir de 1962 dans le domaine de l’animation et de la médiation musicale, dans des régions rurales. De retour en Suisse, il a enseigné la composition pendant de nombreuses années au Conservatoire Populaire de Genève, avant de rejoindre la HEMG. Michael Jarrell ou Xavier Dayer, tous deux compositeurs et professeurs renommés ayant leurs racines à Genève, ont été ses élèves et il a accompagné de nombreuses carrières nationales et internationales en tant que guide artistique, promoteur et créateur de réseaux.   

Serge Vuille, directeur de Contrechamps, même s’il n’a pas été directement élève de Gaudibert, est impressionné par la présence durable du « phénomène Gaudibert », qui s’est également manifestée par la rapidité avec laquelle d’autres partenaires ont accepté de participer au festival. Contrechamps travaille constamment avec d’anciens élèves, qu’il s’agisse d’interprètes ou de compositeurs. « C’est pourquoi je voulais que le festival reflète cet aspect enseignant-élève dans les deux directions », explique Vuille.   

Il y a d’une part Nadia Boulanger, professeure de théorie de Gaudibert à Paris : Contrechamps présente une de ses œuvres pour orchestre. Boulanger a enseigné à de nombreux compositeurs qui sont aujourd’hui joués dans le monde entier. Sa propre œuvre est en revanche rarement jouée, étant peu connue en tant que compositrice, car surtout perçue comme figure pédagogique, selon Vuille.   

D’autre part, Contrechamps a mandaté des courtes compositions aux anciens élèves de Gaudibert. Vu le nombre élevé de diplômés (45), il n’a été demandé « qu’à un » cercle régional restreint de personnes travaillant en Suisse romande ou ayant des liens étroits avec la région de participer et tous, à deux exceptions près, ont accepté. « Ce fort engagement de la part de ses élèves a été impressionnant », déclare Serge Vuille.   

Les conditions étaient une durée d’une minute seulement avec une orchestration ouverte, du grand ensemble au solo et, le cas échéant, à la bande magnétique, 22 miniatures seront présentées au public, dont des œuvres d’Arturo Corrales, Fernando Garnero, Dragos Tara ou Daniel Zea.   

Daniel Zea souligne un aspect ultérieur de la communication enseignant-élève : « Nous sommes tous très reconnaissants de ce qu’il nous a apporté et permis de faire. En même temps, il s’agissait d’un véritable échange: Eric était ouvert et curieux – il s’intéressait à ce qui nous intéressait. Nous l’avons par exemple influencé par notre intérêt pour les musiques traditionnelles de nos pays d’origine ». Zea, comme certains diplômés de la classe de composition de Gaudibert, est originaire d’Amérique du Sud. Son ensemble Vortex s’est formé pendant les cours de Gaudibert, qui l’a accompagné et encouragé jusqu’à la fin.   

 


Hekayât, pour rubâb, hautbois, hautbois baryton, alto et percussion, 2013 Production propre SRG/SSR, interprétée par Khaled Arman au rubâb, un luth arabe, est l’une des œuvres tardives de Gaudibert, dans laquelle il cherche à intégrer des instruments, leurs interprètes et des modes de jeu issus d’autres espaces culturels.

 

Électroacoustique et diversité     

Né en 1936 à Vevey, Gaudibert a étudié à Paris avec Nadia Boulanger et Henry Dutilleux. Il est connu surtout pour ses œuvres instrumentales poétiques et sonores, mais il existe aussi d’autres facettes moins connues : de retour en Suisse, il a fait des recherches sur les sons électroniques au studio expérimental de la radio de Lausanne au début des années 1970, dans une phase qu’il a lui-même définie comme « expérimentale ».   

 

Portrait Eric Gaudibert zVg. Contrechamps  

 

Vortex consacre un concert entier à ses œuvres électroacoustiques, ce qui correspond à l’orientation multimédia de l’ensemble : « c’est une phase importante de son œuvre, trop rarement présentée », explique Daniel Zea. Avec John Menoud, compositeur et multi-instrumentiste, il a rendu visite à Jacqueline, la veuve de Gaudibert et ils ont passé au crible nombreuses vidéos, cassettes audio et partitions. Des pièces pour instruments et bande magnétique ou instruments électroniques, souvent jouées qu’une ou deux fois, seront interprétées par des musiciens qui ont travaillé en étroite collaboration avec Gaudibert. Benoît Moreau joue par exemple « En filigrane » pour épinette et bande magnétique, qui n’a été joué qu’une seule fois par Gaudibert lui-même lors de la création en 2018 – à laquelle Moreau était présent.   

Le choix du répertoire pour le concert de clôture montre la diversité de Gaudibert. « Nous avons choisi de combiner des œuvres clés comme Gong – sa dernière grande œuvre d’ensemble – avec des pièces rarement jouées, afin de montrer la diversité de son œuvre », explique Vuille. Gong est dédié au pianiste Antoine Françoise, qui l’interprètera avec l’ensemble Contrechamps pendant le festival. Françoise, aujourd’hui pianiste soliste de renommée internationale et directeur du NEC, avait une relation étroite avec Gaudibert, qui, pianiste lui-même, l’a accompagné et a soutenu son développement depuis leur première rencontre à l’âge de 16 ans en misant sur ses compétences pour l’exigeante partie de Gong quand il avait 24 ans seulement. 

 


Gong &Lémanic moderne ensemble, Production propre SRG/SSR


En plus de ces œuvres instrumentales, la phase électroacoustique de Gaudibert sera également représentée au Victoria Hall : Vortex présente “Ecritures de 1975 pour voix soliste et bande magnétique” créé au studio expérimental de Lausanne, dans une nouvelle version pour quatre voix réparties dans l’espace. « La pièce continue à vivre avec de nouvelles possibilités techniques. Cela aurait été dans l’esprit de Gaudibert », dit Zea. Eric Gaudibert aurait certainement apprécié que ses anciens élèves continuent à collaborer, dans une communication au-delà de la musique. 
 
Gabrielle Weber

 

Nadia Boulanger, Henri Dutilleux

Dans le film portrait : Eric Gaudibert, pianiste, compositeur, enseignant (Plans fixes, 48min, Suisse, 2005), Gaudibert s’exprime sur ses grands thèmes, par exemple son goût pour la littérature et la peinture, le temps passé à Paris, l’enseignement et les influences d’autres cultures dans sa création musicale : le film sera au centre d’une table ronde au Festival Gaudibert de Genève le 10 décembre.

Festival Gaudibert:

9/10 décembre 2022, HEMG : Congrès / Concerts : Lors du congrès à la HEMG, les compositeurs et professeurs Xavier Dayer, Nicolas Bolens ou l’ethnomusicologue et interprète Khaled Arman, entre autres, discuteront.
17 décembre 2022, Victoria Hall Genève, 18:30h : Concert marathon Contrechamps, Eklekto, le NEC, Vortex, orchestre de la HEMG, chef d’orchestre : Vimbayi Kaziboni, Gaudibert, Boulanger, UA 22 miniatures

émission RTS:
musique d’avenir, 6.2.23Festival Gaudibert 2022, auteur Anne Gillot

Neo-Profils
Eric Gaudibert, Daniel Zea, Antoine Françoise, Arturo Corrales, Fernando Garnero, Dragos Tara, Ensemble Vortex, Contrechamps, Nouvel Ensemble Contemporain, Eklekto Geneva Percussion Center, John Menoud, Benoit MoreauEnsemble Batida, Xavier Dayer, Michael Jarrell

Musique improvisée à Genève – portrait de l’AMR

L’AMR (Association pour l’encouragement de la Musique impRovisée) de Genève est la plus ancienne institution de musique improvisée en Suisse. Fondée en 1973, elle s’est engagée non seulement pour les concerts centrés sur l’improvisation, mais aussi pour offrir des possibilités de répétition ainsi que pour l’enseignement de la musique improvisée. Son engagement de près de 50 ans est aujourd’hui récompensé par le Prix spécial Musique 2022.

Le « Sud des Alpes » de l’AMR

Jaronas Scheurer
Dans les genres de niche comme la musique improvisée, la plupart du travail est en général effectuée à titre bénévole. Les salaires des musiciens sont bas, le travail en coulisses repose sur la bonne volonté et les rares fonds sont limités. La pandémie, pendant laquelle aucun concert n’a pu être organisé a rendu la planification encore plus incertaine en aggravant ultérieurement la situation. Mais ce n’est pas le cas à Genève où l’AMR a tout de même payé les musiciens prévus au programme, même s’ils n’ont pas pu jouer, ainsi que les techniciens et le personnel qui n’a pas pu travailler. C’est non seulement très louable, mais aussi assez inhabituel. « Nous avions l’argent et nous les avions réservés, en plus les musiciens avaient moins de tutelles que les organisateurs », explique Brooks Giger, secrétaire de la commission de programmation de l’AMR et contrebassiste.

 


John Menoud: Which way does the blood red river flow? Nouvel Ensemble Contemporain et le trompettiste Mazen Kerbaj, 2017. John Menoud et membre de la commission de programmation de l’AMR.

 

Une étoile fixe du paysage culturel genevois

L’AMR existe depuis 1973, soit depuis près de cinquante ans. Dans les années 70, la scène free jazz européenne était en ébullition. Peter Brötzmann, Alexander von Schlippenbach, Peter Kowald & Co. en Allemagne, Irène Schweizer et Pierre Favre en Suisse, John Stevens avec son « Spontaneous Music Ensemble » ou enncore l’ensemble d’improvisation AMM en Angleterre et aux États-Unis, c’était la folie : Charles Mingus, Alice et John Coltrane, Ornette Coleman, Sam Rivers, etc. À Genève, quelques musiciens se sont réunis pour s’adonner à cette musique.

C’est ainsi qu’est née l’idée de l’AMR et dès sa création, les membres de l’association savaient qu’il ne s’agissait pas seulement d’offrir une scène à la musique improvisée et d’organiser des concerts. « Il y avait une grande envie des membres fondateurs de l’AMR d’avoir un endroit pour se retrouver, travailler et créer ensemble. Où écouter cette musique en concert mais aussi la transmettre ». – explique Brooks Giger. Dès le début, l’AMR a voulu non seulement organiser des concerts, mais aussi être une école de musique et louer des salles de répétition. Avec ce concept, elle a trouvé une oreille attentive auprès de la ville de Genève et rapidement obtenu une base financière pour réaliser ces idées. « Nous avons sans doute aussi eu beaucoup de chance d’obtenir le soutien de la ville dans les années 70 et de le recevoir aujourd’hui encore », remarque Brooks Giger à propos de la situation particulière de Genève.

En 1981, l’AMR a pu louer un bâtiment à la rue des Alpes, le « Sud des Alpes », qui est toujours son centre et siège. Jusqu’en 2006, le « Sud des Alpes » a été progressivement transformé et aujourd’hui on y trouve non seulement les bureaux de l’association, mais aussi 13 salles de répétition (dont deux pour grands ensembles) ainsi que deux salles de concert, l’une au sous-sol pour 50 personnes et l’autre au rez-de-chaussée pour 120 personnes.

Entre-temps, l’AMR fait partie intégrante du paysage culturel de la ville et Brooks Giger le décrit ainsi : « Si quelqu’un en ville demande où l’on peut écouter du jazz – la réponse est AMR. Si quelqu’un cherche des musiciens pour un concert – AMR ». Ils sont devenus une référence en matière de jazz et de musique improvisée à Genève, ce qui leur permet de recevoir encore de l’argent de la ville – « on croise les doigts », dit Giger.

De la période de fondation de l’AMR 1973.

Programme entre scène locale et les grands noms internationaux

Le soutien financier de la ville de Genève est également lié à des conditions : au moins 60% des musiciens qui se produisent doivent être originaires de la région. La programmation des 250 à 300 concerts annuels et des deux festivals est donc toujours un exercice d’équilibre entre les artistes locaux, les grands noms nationaux et les invités internationaux. Les ateliers organisés à l’AMR montrent également ce qu’ils ont appris lors de concerts réguliers. Ainsi, le saxophoniste vedette new-yorkais Chris Potter et son quartet, un combo sud-africain et suisse, un groupe de jazz local et l’atelier funk de l’AMR peuvent se produire pendant la même semaine. Cet air de fair-play ne se respire pas seulement sur le programme des concerts, car les employés de l’AMR sont tous eux-mêmes musiciens. Grâce à leur emploi à temps partiel (entre 30 et 60%) au sein de l’AMR, ils disposent d’une base d’existence stable. Les musiciens qui se produisent et qui sont domiciliés en Suisse peuvent également être engagés par l’AMR, ce qui leur garantit certaines prestations sociales. Les prix d’entrée sont modérés, de sorte que tout le monde puisse se permettre d’assister aux concerts et il y a quelques années, un groupe pour promouvoir l’équilibre entre les sexes dans le programme des concerts a été constitué.

Le groupe genevois Noe Tavelli & The Argonauts à l’AMR Jazz Festival 2022

Un bijou genevois pour la musique improvisée

En 2022, l’AMR a une fondation solide, elle dispose d’un lieu avec les locaux nécessaires pour l’enseignement, les concerts et les répétitions, le soutien financier semble assuré à long terme, l’AMR a donc réussi à traverser la pandémie et présente à nouveau un programme de concerts varié et intéressant. Mais surtout, l’AMR a derrière elle une scène musicale vivante et engagée. L’engagement en faveur de la musique improvisée vient d’être récompensé par l’Office fédéral de la culture qui lui a décerné le Prix spécial Musique 2022 : « L’association est un microcosme de culture, d’égalité, de confrontation et de croissance », écrit l’OFC dans sa décision.

Nasheet Waits Equality Quartet à l’AMR Jazz Festival 2013, ©Juan Carlos Hernandez

Brooks Giger ne considère toutefois pas la croissance comme une priorité absolue. « Nous faisons déjà beaucoup avec les concerts, les festivals, les ateliers et les salles de répétition. On n’a pas forcément besoin d’en faire plus. Ce que nous avons est déjà un bijou, un diamant. Nous devons simplement continuer à le polir et à l’entretenir ».

L’année prochaine, l’AMR fêtera ses 50 ans. Il y aura bien sûr encore quelques particularités, comme une exposition de photos aux Bains de Pâquis et une publication avec photos et essais. Un documentaire sur l’AMR est également en cours de réalisation et bien sûr, le « Sud des Alpes » continuera à proposer de la bonne musique, genevoise, suisse et du monde entier.
Jaronas Scheurer

Le site internet de l’AMR et son programme de concert.
L’éloge du jury du Prix spécial Musique 2022 pour l’AMR.
Le canal Youtube de l’AMR.

Neo-Profile:
John Menoud, d’incise, Alexander Babel, Daniel Zea

Yello – projet artistique suisse reçoit le Grand Prix Musique 2022

Yello – le légendaire duo suisse d’électro-pop reçoit le Grand Prix suisse de la musique 2022. Après quarante ans de collaboration et 14 albums en commun, le duo formé par Boris Blank, bidouilleur de sons et Dieter Meier, leader à la voix sonore, rayonne depuis la Suisse vers le monde entier.

 

Portrait Yello zVg. Yello ©Helen Sobiralski

 

Gabrielle Weber
Les sonorités rythmiques et groovy, ainsi que des expressions comme « Oh Yeah » ou « Claro que si » ont marqué toute une génération grandie dans les années quatre-vingt. Et aujourd’hui encore, quarante ans plus tard, les rythmes de Yello, tout comme leurs créations de mots et d’images continuent d’influencer les esprits… même si, en apparence, ils n’ont quasiment pas changé – mais ça c’est seulement en surface.

1981 – dans la vidéo de The evening’s young, des bâtonnets lumineux multicolores forment l’inscription Yello. Le visage d’un jeune homme en premier plan: Boris Blank – de face, de côté, le corps entier dans un jeu d’ombres, des coupes rapides, différentes perspectives, couleurs fortes, puis Dieter Meier au micro avec des couleurs monochromes changeantes en arrière-plan. Tout est coloré, se dissout puis recommence, enchaînant coupures, jeux de lumière et de couleur. Le son est rythmiquement varié, accompagné d’une voix parlée. Un produit artistique audiovisuel qui exploite les possibilités musicales et visuelles du média de manière expérimentale, mais sans le surcharger : simple, ludique, léger, élégant, sûr de lui et sans se prendre trop au sérieux.

 


Yello: The young, Video 1981

C’est ainsi que se présente Yello – et la répartition des rôles restera constante : Blank crée les paysages sonores à partir de samples et patterns rythmiques, tandis que Meier se charge de l’aspect visuel et de la voix. Meier aime se définir un amateur, qui n’a jamais rien appris d’artistique et que tout se décide par pur hasard, lors que Blank se définit un peintre sonore et attribue avec amour des noms individuels à ses samples.

Si la vidéo de The evenings young a encore un parfum de «fait maison», celle de Bostich, datant 1984, qui a catapulté Yello en tête des hit-parades mondiales sur maxisingle vinyle en tant que « natural born hit », est un peu plus élaborée, même si légere et avec une touche underground : Blank et Meier sont à nouveau les protagonistes, avec cette fois-ci des appareils et des pièces de machines qui dansent en rythme.

 


Yelllo: Bostich, Video 1984

 

Les années 80 voient également la création de la chaîne télé Music Television, MTV, à New York : avec ses 50 déclinaisons régionales, ce nouveau canal de diffusion consolide de nombreuses carrières pop. L’orientation audiovisuelle de Yello s’adapte tout naturellement à ce nouveau média. Le duo ne l’utilise pas « seulement » pour des vidéos musicales, mais y tisse aussi des histoires bizarres, comme par exemple dans la performance Dr. Van Steiner de 1994, où Blank, interviewé par Meier, joue ses sons de manière cachée et les reproduit par imitation.

 


Yello Video@MTV: Dr. Van Steiner, 1994

 

Ces vidéos sont devenues culte, d’autant plus que Yello – contrairement à beaucoup d’autres groupes – évite généralement les concerts live: après quelques premières apparitions, encore en trio avec Carlos Peron, membre fondateur, à Zurich, et une performance légendaire en 1984 au DJ-Club Roxy à New York, Yello s’est fait rare jusqu’en 2016, à l’occasion de la sortie de l’album toy, avec des live au Kraftwerk de Berlin accompagnés d’un ensemble de cuivres. Ces concerts ont été un grand succès à guichets fermés.

Le fait que Yello reçoive le label de groupe de pop suisse d’exportation, notamment grâce au nouveau média, ne rend guère justice au duo. Car Yello est tout autant un projet artistique qui échappe à toutes les catégorisations habituelles. Blank et Meier évoluent individuellement dans des scènes plus expérimentales. Meier dans l’art de la performance : avec des actions absurdes, il attire l’attention dans les années 70 à Zurich et New York ou en 1972 à la Documenta-Halle de Kassel et représente même la Suisse en 1971 au Museum of Modern art de New York lors du show Swiss Avantgarde. Il amène la subversion dans le projet musical Yello. Blank, pionnier de l’électronique et virtuose du sample, évolue avant Yello dans l’underground électro expérimental zurichois et londonien et s’inspire de légendes du jazz et de la musique contemporaine comme John Coltrane, Pierre Boulez et György Ligeti. Il transporte l’esprit d’innovation dans ses peintures sonores Yello, dans lesquelles Meier s’intègre avec sa voix profonde.

 

Des prix venant d’ horizons différents

Les prix que le duo reçoit au fil des ans proviennent logiquement de milieux très différents: le prix artistique de la ville de Zurich en 1997, le Swiss Music Award pour l’album touch yello en 2010, le prix Echo pour les 35 ans de Yello en 2014, pour n’en citer que quelques-uns. Dans le volume « Oh Yeah ! » publié en 2021, avec une simple couverture en noir et blanc par l’édition Patrick Frey, Yello jette un regard artistique, tant musical que visuel, sur leurs 40 ans d’histoire commune.

Dans les autres projets musicaux que Blank et Meier poursuivent parallèlement à Yello, les deux hommes vivent d’autres aspects de leurs personnalités. Dans son groupe Out of chaos fondé en 2012, Meier utilise sa voix différemment et développe lui-même des morceaux, tandis que Blank intègre d’autres voix dans ses projets solo et fouille dans sa riche bibliothèque sonore avec un autre objectif. En 2014, par exemple, il a travaillé en étroite collaboration avec la chanteuse Malia pour l’album Convergence. Tandis que pour Electrified, de la même année, il a recyclé et numérisé de vieux morceaux analogiques de l’ère pré-Yello pour une édition spéciale et limitée avec tous les formats enregistrés au fil des ans – vinyle, DVD, CD, cassette, en combinaison avec des vidéos en partie réalisées par lui-même. Avec les outils numériques actuels, il aime autant expérimenter visuellement qu’acoustiquement.

Des rythmes et des paysages sonores sophistiqués et accrocheurs, associés à des textes croustillants et des visuels colorés et peu sophistiqués, le tout mélangé avec une ironie subversive et une élégance légère. Yello conservera ce son et cette image pendant 14 albums communs, tout en s’appropriant à fur et à mesure de nouveaux outils techniques et en jouant avec les ressources de la numérisation.

 


Yello, Wabaduba, point, Video 2020

 

2020 : Dans Wabaduba, leur 14ème et dernier album en date, Meier et Blank dansent de manière synchronisée : désormais tous deux âgés d’environ soixante-dix ans, dans un simple décor de grande ville de science-fiction en noir et blanc, animé par ordinateur, Meier en costume et Blank en col roulé noir à la James Bond et lunettes de soleil. Le monde passe – Meier et Blank restent – et ne cessent de nous surprendre.

A propos de l’application Yellofire, développée et lancée il y a quelques années seulement par Blank lui-même, qui permet à chacun de générer des sons semblables à ceux de Yello, Meier déclare : « Avec ça, on va peut-être pouvoir faire des concerts live – il nous restent encore environ 30 ans pour cela ».

Les deux hommes sont cool et fidèles à eux-mêmes. Une marque qui évolue avec le temps et qui exploite habilement toutes les évolutions médiatiques, tout en restant toujour reconnaissable : c’est ce qui fait de Yello, contre vents et marées, créateur de tendances et projet artistique global.
Gabrielle Weber

 

Portrait Yello zVg. Yello ©Helen Sobiralski

 

Sur les profils neo de Yello et Boris Blank, on trouve du matériel vidéo en partie encore inédit, notamment la vidéo The pick up de Boris Blank où du contenu autobiographie est mêlée à l’expérimentation sonore et visuelle pour former un récit personnel.

40Jahre Yello – Oh Yeah!: Ed. Patrick Frey; Boris Blank: Electrified 2014; Boris Blank&Malia: Convergence 2014; Malia; Dieter Meier: Out of chaos; Label Suisse, Carlos Perón, Label Suisse

Grand Prix Musik: Yello

les autres prix:
L’Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp
Fritz Hauser; Arthur Hnatek; Simone Keller; Daniel Ott; Ripperton; Marina Viotti
Spezialpreise Musik:
AMR Genève; Daniel « Duex » Fontana; Volksmusiksammlung Hanny Christen

La cérémony aura lieux le 16 Septembre à Lausanne dans le cadre du Festival Label Suisse.

émissions SRF 2 Kultur:
Musik unserer Zeit, Erstausstrahlung 27.7.22, 20hYello – Gesamt-Kunstprojekt erhält Grand Prix Musik 2022, Redaktion Gabrielle Weber
Wiederholung, Passage, 28.8.22, 15h
MusikMagazin, 14./15.5.22: Yello – Das Schweizer Elektropop-Duo bekommt den Grand Prix Musik, Redaktion Annelis Berger

Neo-Profils:

Yello, Boris Blank, Swiss Music Prize, Label Suisse

partage de l’écoute

Archipel, le festival de musique contemporaine de Genève, aura lieu en direct et en streaming du 16 au 25 avril, tandis que « Archipel sous surveillance », la web TV du festival, amène le festival directement dans les foyers du public 

Benoît Renaudin, 1000 flûtes, installation sonore, maison communale de plainpalais ©zVg Festival Archipel

 

Gabrielle Weber

L’année 2020 a été une année spéciale sous différents angles pour le légendaire festival genevois. Après de nombreuses années sous la direction du musicologue Marc Texier, un nouveau tandem de directeurs a pris le relais. Marie Jeanson avec son background dans la musique expérimentale et improvisée – et Denis Schuler – compositeur et directeur artistique de l’Ensemble Vide de Genève – veulent donner un nouveau souffle au festival.   

Le nouveau duo de directeurs artistiques m’a expliqué sa vision du festival idéal au printemps dernier, peu avant le lancement prévu. Cette vision devait être illustrée par une carte blanche d’une journée.     

Le festival a été l’un des premières victimes du premier lockdown et cette année, il va se dérouler online.   

Marie Jeanson et Denis Schuler avant leur Carte blanche, planifié pour Archipel 2020. Video Genève Mars 2020 ©neo.mx3

La vision de Jeanson et Schuler se présentait sous forme d’un plan en cinq points : qu’en est-il de leurs attentes et qu’est-ce qui a été mis en œuvre, malgré la pandémie et le streaming? J’ai ressorti notre conversation en en me penchant sur ces questions. 


Le plan en cinq points de 2020 – le festival de 2021 : une comparaison 
 

La musique c’est fait pour être vécue ensemble

2020 : tout est unité – la musique et la vie vont main dans la main. La Carte Blanche aurait dû durer une journée entière et se dérouler en un seul lieu – la maison communale de Plainpalais – et l’hospitalité avec des repas partagés et des possibilités d’échange devrait être au centre, car, comme dit Schuler: « La musique c’est fait pour être vécue ensemble »,.     

2021 : L’unité de la vie et de la musique est concrétisée par « Archipel sous surveillance ». La web TV expérimentale du festival sera présente sur scène et dans les coulisses en faisant entrer le festival dans les maisons du public, tous les jours de 12h à 00h. Le public pourra ainsi – s’il le souhaite – vivre avec le festival.  

  

Archipel sous surveillance ©zVg Festival Archipel

 

cohérence poétique   

2020 : À l’avenir, le festival souhaite se concentrer moins sur les musiciens et plus sur le public. « Nous voulons créer un cadre où les gens sont touchés par une cohérence poétique. Nous racontons des histoires et voulons donner aux gens l’envie de revenir », explique M. Jeanson   

2021 : Quatre installations sonores occupent quatre salles de la Maison communale de Plainpalais. Ils seront accessibles online pendant toute la durée du festival. Le siège historique et caractéristique du festival renaît online, tout en créant un espace poétique continu entre fiction et réalité… 

 

 

Benoît Renaudin, 1000 flûtes, installation sonore, maison communale de plainpalais ©zVg Festival Archipel


faire
exister la création  

2020 : Archipel ne souhaite pas (plus) trop s’impliquer dans la compétition du festival pour les nombreuses et meilleures premières mondiales. «  Pour un grand nombre de personnes, être le premier ou la première à faire ou à montrer quelque chose est crucial« , dit Schuler. Mais le duo de directeurs artistiques veut avant tout « maintenir la création en vie ». «  Nous sommes intéressés par le fait de mélanger la composition avec ce qui se passe à chaque instant « , explique-t-il.   

2021 : La composition et l’improvisation se rencontrent lors de nombreux concerts. Par exemple, ceux de l’improvisatrice Shuyue Zhao et l’ensemble bâlois neuverBand. Dans ses performances, Zhao remet en question le rôle de l’interprète en travaillant avec des éléments d’électronique, le bruit et l’improvisation. Des œuvres de Sofia Gubaidulina ou Junghae Lee, entre autres, interprétées par l’ensemble neuverBand, forment un nouveau corpus avec les improvisations de Zhao.  

 


Shuyue Zhao: noise fragments, 2019


« partage de l’écoute » 
 

2020 : La transdisciplinarité n’est pas non plus au centre du futur festival, il s’agit plutôt d’une « écoute pure ». « Nous voulons créer un cadre spécial, dédié à l’écoute concentrée », explique M. Jeanson. La concentration, dit-elle, crée une présence particulière qui se rapproche paradoxalement du silence. « Dans le cadre de Carte Blanche, par exemple, il y a des ‘Salons d’écoute’, des salles de pure écoute, avec un système de diffusion sonore (Acousmonium) et un ingénieur du son. Tous ceux qui le souhaitent peuvent apporter leurs CDs pour les écouter et en discuter ensemble ».  

2021 : les salons d’écoute se dérouleront d’une manière légèrement différente car le public ne pourra pas apporter ses propres CD. Chaque midi par contre, auront lieu des « partages d’écoute » où un compositeur ou compositrice partageront leurs propres trésors, par exemple, le compositeur Jürg Frey ou la compositrice-chanteuse Cassandra Miller 

 

Rencontres à l’improviste  

2020 : des musicien(ne)s qui ne se connaissaient pas auparavant seront réunis par les organisateurs. « Nous provoquons des rencontres et créons le cadre : les musicien(ne)s peuvent jouer ce qu’ils veulent et où ils veulent dans un temps donné. Ils décident au pied levé, ce qui surprend le public », explique M. Schuler.   

2021 : Insub.distances#1-8 relie les artistes à distance. Cyril Bondy, directeur de l’Insub Meta Orchestra de Genève, et d’Incise, lauréat d’un Prix suisse de musique 2019, a lancé le projet d’Archipel’21, dans lequel quatre compositeurs genevois et quatre compositeurs internationaux ont chacun composé une pièce pour un duo pendant le premier lockdown genevois, de septembre à décembre 2020. Toutes les compositions ont pour sujet la proximité et la distance et elles ont été répétées à distance, enregistrées et mises en ligne. Elles sont maintenant disponibles online  


Insub Meta-Orchestra / Cyril Bondi & d’incise: 27times, 2016

Il est étonnant de constater à quel point la vision du festival à petite échelle de Marie Jeanson et Denis Schuler se reflète aujourd’hui à grande échelle, malgré les limites et restrictions qu’imposent la pandémie et le streaming.  
Gabrielle Weber

 

Festival Archipel Teaser 2021

Le festival Archipel à Genève aura lieu du vendredi 16 au dimanche 25 avril.  Pendant dix jours, des interprètes et des ensembles internationaux tels que l’Ensemble Ictus, le Collegium Novum Zürich, l’ensemble Contrechamps et Eva Reiter interpréteront des œuvres de Clara Iannotta, Alvin Lucier, Jürg Frey, Helmuth Lachenmann, Eliane Radigue, Cassandra Miller, Morton Feldman, John Cage et Kanako Abe, entre autres. Tous les concerts sont accessibles gratuitement en streaming.  

Archipel sous surveillance diffuse quotidiennement de 12h à 24h en continu depuis tous les lieux, coulisses et scènes du festival, avec la participation de l‘équipe de tournage genevoise Dav tv et la télévision alternative neokinok.tv  

émissions:
RTS:
Le festival Archipel met à l’honneur les musiques experimentales
SRF 2 Kultur:

neoblog, 12.3.2020Ma rencontre avec le future – ANNULÉ, Gabrielle Weber en entretien avec le duo de directeurs artistiques Jeanson/Schuler.

neo-profiles: Festival Archipel, Shuyue Zhao, Jürg Frey, Insub Metha Orchestra, Ensemble Batida, Ensemble Contrechamps, Patricia Bosshard, d’Incise

Musique de création – de Genève à la GdN de Bâle

Gabrielle Weber : Interview Jeanne Larrouturou, Ensemble Batida & Diĝita : Romandie @GdN Basel_1, 26.11.10

L’instrumentation est inhabituelle mais convaincante : trois percussionnistes et deux pianos. Diĝita, une collaboration entre le collectif de dessinateurs Hécatombe et l’ensemble genevois Batida, qui associe musique et bande dessinée, peut être qualifiée d’encore plus inhabituelle. Le 26 novembre à la Gare du Nord, en saison « Romandie ».

Le focus de la Gâre Du Nord de Bâle pour la musique nouvelle s’étend sur trois saisons, avec trois fois trois concerts. À long terme, cela permettra de renforcer les liens entre régions linguistiques, particulièrement importantes en ce moment, car les ensembles romands ne peuvent pas s’y produire en raison des directives actuelles.

Le neoblog présente les ensembles invités et neo.mx3 vous invite à découvrir le concerts en direct avec la RTS.
Premier épisode : Ensemble Batida Genève : un portrait

Gabrielle Weber
J’ai discuté avec Jeanne Larrouturou, percussionniste et co-directrice artistique, via Zoom, depuis son Lockdown genevois. Larrouturou de nationalité française, a grandi à Genève et après avoir étudié à la Haute école de musique Genève (HME), elle s’est spécialisée dans la musique contemporaine à Bâle. Depuis, elle joue un rôle de médiatrice entre les scènes musicales des deux régions.

Ensemble Batida: Concert Le Scorpion © Pierre-William Henry

Le line-up de l’ensemble Batida est plutôt le fruit du hasard. Larrouturou explique que Batida a été formé à l’origine comme une « formation classique Bartok », en référence à la sonate pour deux pianos et percussions de Bartok composée en 1937/38. En 2010, quatre des membres de l’ensemble se sont réunis pour un concert final à la HME. D’autres performances communes ont suivi. Lorsqu’un percussionniste a quitté le groupe pour un séjour à l’étranger, Larrouturou est intervenue et est restée. Depuis, la formation de base n’a plus changée: les trois percussionnistes Jeanne Larrouturou, Alexandra Bellon et Anne Briset complètent Viva Sanchez Reinoso et Raphaël Krajka au piano.

Un coup de chance, car de nombreuses nouvelles œuvres ont été créées pour cette formation unique. D’une part par les compositeurs amis, d’autre par la composition collective des membres de l’ensemble. Cela aussi a commencé par hasard. Dans le cadre d’un projet avec une compagnie de danse, le chorégraphe avait demandé à Batida de composer quelque chose. « C’est ainsi que la première commission de composition est née et que nous avons continué à composer ensemble par la suite. Après cela, nous avons composé pour un projet avec un théâtre de marionnettes », dit Larrouturou.

Ensemble Batida, Haïku, composition collective 2013

« Le processus de composition se base premièrement sur l’expérimentation. Nous avons une idée de la structure générale, un concept. Ensuite, nous « faisons » : nous jouons, nous nous écoutons les uns les autres, nous nous enregistrons, nous écoutons la musique enregistrée ensemble. Nous structurons, organisons et enregistrons ». Une sorte de création qui combine l’improvisation et la notation. En règle générale, les éléments d’improvisation sont également préservés et maintenus.

musique de création

L’ensemble ne souhaite pas se situer dans un genre musical défini. « Nous sommes actifs dans la musique contemporaine. Mais nous n’aimons pas tellement ce qui se cache derrière l’étiquette », explique Larrouturou. En France, il existe plusieurs autres définitions réussies : « Musique de création » est le plus approprié pour elle : « le terme est suffisamment ouvert, mais en même temps, il exclut les « musiques contemporaines » traditionnelles.

Ensemble Batida: Mean E, kollektive Komposition 2013

Jusqu’à présent, Batida n’a eu que très peu de concerts en Suisse alémanique. Après le Concours Nicati de Berne 2014, des représentations au Festival ZeitRäume de Bâle et à Andermatt ont suivi. En Suisse romande et à l’étranger par contre, l’ensemble s’est produit dans le cadre de nombreux festivals, avec des tournées en France, en Russie, au Portugal et à Chypre. Une autre – avec Diĝita aux États-Unis – est prévue, mais a dû être reportée à cause de la pandémie.

Voici comment Larrouturou s’exprime à propos des échanges entre régions linguistiques : « Je vis à Bâle depuis environ quatre ans et j’ai mon réseau entre Bâle, Genève et Lausanne. Je ne cesse de m’étonner du peu de connaissance que les scènes ont l’une de l’autre. À l’université de Bâle, j’ai remarqué qu’il y avait des différences fondamentales dans l’orientation esthétique, certains artistes y sont considérés incontournables, en Suisse romande par contre ils sont pratiquement inconnus. La partie francophone de la Suisse est plus étroitement liée à la France, la partie germanophone à l’Allemagne ».

Avec le compositeur Kevin Juillerat, qui comme elle a étudié à Bâle tout en étant basé à Lausanne, Larrouturou s’occupe de la série de concerts Fracanaüm à Lausanne, dans le cadre de laquelle, ils travaillent pour surmonter ces divisions. « On ne se demande même pas d’où quelqu’un vient et nous invitons des acteurs provenant des deux régions. Je suis convaincue, qu’à partir de ces petites initiatives, des relations se développent sur le long terme ».

Mais Batida souhaite également construire des ponts. La plupart des projets sont transdisciplinaires et développés en collaboration avec d’autres artistes, provenants des domaines de la danse, du théâtre de marionnettes, de l’architecture, de la vidéo ou de la bande dessinée.

La collaboration avec le collectif de dessinateurs genevois Hécatombe par exemple ne s’est jamais arrêtée, depuis leur premier projet commun en 2016.

Ensemble Batida & Hécatombe: Oblikvaj, composition collective 2016-2018

« Au cours du premier projet commun ‘Oblikvaj’ (2016-2018), nous avons tout de suite remarqué d’être sur la même longueur d’onde. Chacun des cinq membres d’Hécatombe a créé une partition graphique, une bande dessinée en noir et blanc de 24 pages. Batida a réagi à cela par des compositions collectives, ce qui a extrèmement bien fonctionné ». Des concerts avec des rencontres en direct ont suivi.

Dans Diĝita il s’agit premièrement du processus de création commune. « En été 2019, nous nous sommes réunis pour une retraite de 14 jours dans une vieille ferme au milieu de nulle part. Nous n’avons pas pris nos instruments, mais collecté et enregistrés des sons existants, des grosses machines, des tracteurs et des moteurs par exemple ».

Diĝita, Trailer ©Gare du Nord, Batida & Hécatombe

Le titre Diĝita évoque d’une part les ‘doigts’, d’autre part le numérique par rapport à l’analogique. Les sons enregistrés et échantillonnés font référence au numérique, les musiciens interprètes au jeu avec les doigts. Les musiciens jouent dans un cube transparent. Les murs sont des écrans sur lesquels sont projetées les vidéos en 3D des artistes dessinateurs: les figures de bande dessiné grandeur nature des vidéos se superposent en aliénant ainsi les corps des musiciens réels dans le cube.

Diĝita a pu donner un concert à Lausanne le 31 octobre : « C’était une expérience in extremis. En sachant que nous n’aurions plus joué en live, nous avons encore plus apprécié ce moment », dit Larrouturou. La tournée de Diĝita avec les concerts de Genève a été interrompue à cause du lockdown en Suisse romande.

J’ai appris en cours de conversation que Batida fête son dixième anniversaire cette année. Une célébration avec partenaires et public est prévue à Genève, mais en raison de la pandémie, elle n’aura certainement pas lieu avant 2021.
Gabrielle Weber

Ensemble Batida Portrait ©Batida

Ensemble Batida: Klaviere: Viva Sanchez Reinoso, Raphaël Krajka
Percussion; Jeanne Larrouturou, Alexandra Bellon, Anne Briset
Diĝita: Video: Giuseppe Greco, Ton: David Poissonnier

Gare du Nord: Batida & Hécatombe: Diĝita, 26.11.20, 20h
(à cause du Lockdown bâloise, Diĝita était joué deux fois pour 15 personnes, avec Livestream)

Ensemble Batida, FracanaümKevin Juillerat, haute école de musique genève – neuchâtel, Hochschule Musik Basel, Hécatombe,

émission RTS:
l’écho des pavanes, 20.11.20, rédaction Anne Gillot, entretien avec Désirée Meiser, directrice Gare du Nord
émission SRF 2 Kultur:
dans: Musik unserer Zeit zu neo.mx3, 21.10.20, rédaction Florian Hauser / Gabrielle Weber

neo-Profiles: Ensemble Batida, Gare du NordAssociation Amalthea, Kevin Juillerat

Wenn aus Leidenschaft Subversion wird

Portrait Simone Keller – Pianistin, Kuratorin, Performerin und Musikvermittlerin

Corinne Holtz
Das Jahr 2020 beginnt dicht getaktet mit Konzerten. Für Laptop4, ein instrumentales Theaterstück von Lara Stanić, schaltet das Kukuruz Quartett auch Kamera und Mikrofon ein. Für die Produktion des Ensemble Tzara und Uraufführungen von Patrick Frank und Trond Reinholdtsen sitzt Simone Keller am Klavier. Am Tag vor der Ankündigung des Lockdown, am 12. März, präsentiert sie zusammen mit dem Ensemble thélème ein launiges Programm mit Vokalmusik von Guillaume de Machaut bis Francis Poulenc.

 

Portrait Simone Keller © Lothar Opilik

Dann gehen die Lichter aus. Auch die Uraufführung Grosse Stimmung  von Edu Habensak für verschieden gestimmte Klaviere ist betroffen. Die Ruhrtriennale wird abgesagt, das Festival Wien Modern jedoch soll Ende Oktober stattfinden. Die Parkettsessel im grossen Saal des Wiener Konzerthaus müssen weichen. Es wird Platz geschaffen für insgesamt zehn unterschiedlich gestimmte Konzertflügel.

Simone Keller, Tomas Bächli und Stefan Wirth haben fest vor, am 31. Oktober den über drei Stunden dauernden Zyklus zu spielen. Das Finale ist ein neu beauftragtes Tutti, bei dem Studierende der Universität für Musik und darstellende Kunst mitwirken.
«Ja, wir reisen nach Wien, ausser es gäbe wirklich ein Einreise-Verbot. Auch die Quarantäne würden wir in Kauf nehmen. Ich habe Anfang September bei den Wiener Festwochen gespielt. Die Veranstalter haben unendlich sorgfältig Regeln und Massnahmen eingehalten, damit die Vorstellungen stattfinden konnten.»


Rat einer Frau: « weniger Emotionen zeigen und die Frisur vorgängig mit einem Mann absprechen.. »

Simone Keller spricht auch offen über die finanziellen Folgen der Pandemie. 80% der Verdienstausfälle konnte sie in den letzten Monaten durch die staatlichen Unterstützungsmassnahmen decken. Das neue Covid-Gesetz, seit September in Kraft, sichert den Erwerbsersatz bis Juni 2021. Berechtigt ist aber nur, wer gegenüber den Einnahmen von 2015-2019 eine Umsatzeinbusse von mindestens 55% belegen kann. « Das ist natürlich ein Hohn, wenn man wie ich im Jahr nur 40’000 Franken verdient, also auch mit 100% nur knapp durchkommt. »

 

Simone Keller in Lara Stanic, Fantasia für Klavier-Solo und Elektronik, 2020

Die Krise ist existenziell. Trifft sie Frauen härter als Männer? «Als freischaffende Künstlerin bin ich sowieso zuunterst in der Nahrungskette. Dort wird wahrscheinlich nicht mehr nach Geschlecht abgestuft.» Anders sieht es aus, wenn Frauen auf die Bühne kommen und Signale senden, die das Publikum bewertet. «Für mich war die Rückmeldung einer Frau in einer hohen Leitungsfunktion ein Schlüsselerlebnis. Sie riet mir, weniger Emotionen beim Musizieren zu zeigen und meine Frisur immer vorgängig mit einem Mann abzusprechen. Sie selber würde immer ihren Ehemann fragen, wie er ihr Äusseres bewerte, bevor sie zu einem wichtigen Termin gehe.» Seither schaut sich Simone Keller «auch den Sexismus unter Frauen genauer» an.

 

Simone Keller spielt Julia Amanda Perry © Wiener Festwochen 2020 reframed

« möglich machen, was unmöglich ist »

Die Musikerin erforscht sich selbst, wenn sie wenig bekanntes Repertoire erschliesst und erfrischende Formen der Programmierung wagt. Zum Beispiel im Rahmen der Carte blanche, die ihr der Jazzclub Moods in Zürich gewährt hat. «Möglich machen, was unmöglich ist», sagt die Pianistin und Kuratorin am ausverkauften Eröffnungsabend des Festivals ‘Breaking Boundaries’. Ihr Treiber scheint Leidenschaft und Subversion in einem zu sein, getragen vom Feuer, endlich wieder vor Publikum spielen zu dürfen.

Drei Spielorte hat sich Simone Keller für die drei Programmpunkte ausgedacht: vier Konzertflügel in jeweils eigener Stimmung für einen Querschnitt aus Edu Haubensaks Klavierzyklus Grosse Stimmung, sechs Klaviere für Musik von Julius Eastman -interpretiert auch von drei Asylsuchenden als MitmusikerInnen-, sowie den Flügel aus dem Moods für die Improvisation von Vera Kappeler und Peter Conradin Zumthor am Schlagzeug. «Der Aufwand war enorm, die Realisierung verdanken wir dem Einsatz des Klavierbauers Urs Bachmann und seinem Team.»


Einladung zum Farbenhören – eine einzige Taste wird zum Mikrocluster

Simone Keller versprüht Funken wenn sie loslegt. Jeder Ton bekommt jene Zufuhr an Energie, die er braucht. Präzise platziert in Raum und Zeit, geformt aus pianistischem Feinsinn. Patterns werden zu nachvollziehbaren Phrasen. Schockmomente sind ebenso überlegen ausgearbeitet wie lyrische Gesten. Die extrem physische Musik Haubensaks wird plastisch. Als « Geräuschkuben » bezeichnet Haubensak die resultierenden Klänge: sie springen die Zuhörerin regelrecht an. Das Schwirren der sich überlagernden Schwingungen etwa in Collection II  setzt nie gehörte Farben frei. Es wetterleuchtet im Ohr. Haubensak hat für die Skordatur von Collection II eine eigene Mischstimmung kreiert. Jede Lage des Klaviers bekommt dadurch einen besonderen Charakter. Werden alle drei Saiten (bzw. Töne) einer Taste unterschiedlich gestimmt, weitet sich der Horizont. Eine einzige Taste wird zum Mikrocluster. Das Klavier entgrenzt sich, wenn alle 241 Saiten anders gestimmt sind. Und der Angriff auf das Herrschaftsinstrument wird zur Einladung zum Farbenhören.

 


Simone Keller spielt Edu Haubensak Pur, für Klavier in Skordatur (2004/05, rev. 2012)

 

Simone Keller formuliert über die Kunst hinaus «kühne Wünsche»: Soziale Absicherung von Künstlerinnen und Künstlern, ein Grundeinkommen bei gleichzeitiger Selbstverantwortung des Risikos, Einbindung von Aussenseitern in die kulturelle Praxis. Dort wird es vermehrt zu tun geben, denn die Krise hat eben erst angefangen. Die Pianistin leitet seit 2014 zusammen mit dem Regisseur Philipp Bartels das Künstlerkollektiv ‘ox+öl’. Es führt Kompositions- und Improvisationswerkstätten durch: für und mit Kindern mit Migrations­hintergrund. Es gibt partizipative Konzerte: mit jugendlichen Gewalt­verbrechern im Gefängnis.

Simone Keller wappnet sich für die unwägbare Zukunft. Im Sommer hat sie sich auf ein weiteres Feld eingelassen: eine «Intensiv-Weiterbildung in Gebärdensprache, ausgelöst von einem Musiktheaterprojekt mit Gehörlosen». Vielleicht macht sie eine Ausbildung und wird Gebärdensprache-Dolmetscherin, «ein sehr gesuchter Beruf». Es kann sein, «dass ich meine soziokulturelle Arbeit im Gefängnis und im Asylbereich vertiefen werde und weniger selber konzertiere.»
Corinne Holtz

Portrait Simone Keller

Festival Wien Modern, Edu Haubensak: Grosse Stimmung, 31.10.20

Simone Keller, Wien Modernox&öl – Breaking Boundaries Festival, Philipp Bartels, Edu Haubensak, Tomas Bächli, Stefan Wirth, Ensemble Tzara, Lara Stanic, Patrick Frank, Ensemble thélème, Duo Kappeler Zumthor, Urs Bachmann, Trond ReinholdtsenMoods Club, Kukuruz Quartett

Sendungen SRF 2 Kultur:
Kontext, Mittwoch, 21.10.20, 17:58h: Künste im Gespräch, Redaktion Corinne Holtz

in: Musik unserer Zeit, Mittwoch, 21.10.20., 20h: Redaktion Florian Hauser / Roman Hošek / Gabrielle Weber: Sc’ööf! & neo.mx3

Neo-Profiles:
Simone KellerEdu Haubensak, Lara Stanic, Stefan Wirth, Ensemble Tzara, Patrick Frank, Peter Conradin Zumthor, ox&öl, Kukuruz Quartett, Trio Retro Disco

Texte:
Thomas Meyer: Edu Haubensak – Das wohlverstimmte Klavier, in: Schweizer Musikzeitung, Nr. 11, November 2011
Edu Haubensak: von früher…von später. Im Dickicht der Mikroharmonien, in: MusikTexte 166, August 2020
Pauline Oliveros: Breaking Boundaries

la ville – une composition géante

Du 21 au 25 octobre, à la Chaux-de-Fonds, Les Amplitudes dévoilent leur 9e édition imaginée par le percussionniste, curateur et compositeur Alexandre Babel.

Anya Leveillé
Entre Genève, sa ville natale, et Berlin où il vit depuis de nombreuses années, Alexandre Babel parcourt le monde en solo et avec des ensembles, explorant en tant qu’interprète, compositeur et curateur, les musiques contemporaines, improvisées et expérimentales.

Directeur artistique d’Eklekto, percussionniste-batteur au sein de l’ensemble KNM Berlin ou du trio expérimental Sudden Infant, performeur avec Mio Chareteau dans le collectif Radial, compositeur pour des effectifs instrumentaux variés (dont un chœur de caisses claires et un duo violoncelle-piano) ou des films d’animation de Delia Hess, Alexandre Babel étend ses recherches sonores à travers des pratiques artistiques multiples qui se reflètent, aux Amplitudes, dans une série d’événements mêlant concerts, performances, conférence, projections et balades sonores.

Alexandre Babel Portrait © Martin Baumgartner

En lançant un coup de fil (ou plutôt un coup de « Zoom ») à Alexandre Babel dans son local de répétition berlinois, on évoque ce festival atypique que sont les Amplitudes. Sa composante monographique, qui rend l’évènement unique au sein de la galaxie des festivals de musique contemporaine, permet au public de découvrir l’atelier de création de l’artiste invité, dont la programmation révèle les espaces urbains et le patrimoine bâti de la Chaux-de-Fonds.


Comment avez-vous abordé la programmation pour les Amplitudes ?

Les Amplitudes me permettent de lier mes trois activités principales [instrumentiste, compositeur et programmateur] au sein d’un même événement qui s’inscrit dans un cadre précis, celui de La Chaux-de-Fonds. La ville devient le théâtre d’une gigantesque composition qui commence le premier jour du festival et se termine au concert de clôture. Cette « composition » est constituée de paramètres musicaux, sociaux et urbains que j’envisage comme une seule entité formée par une constellation de concerts, d’événements et de rencontres.


Alexandre Babel, the way down pour violoncelle et piano, Duo Orion 2020

Vous évoquez la ville qui se transforme en une composition géante. Est-ce pour composer cette partition urbaine que vous avez choisi, en ouverture du Festival, ‘Memory Space’ d’Alvin Lucier, qui joue, justement, avec les espaces sonores d’un lieu ?

Cette pièce d’Alvin Lucier est programmée dans le cadre de l’événement intitulé « J’écoute la ville » qui a été élaboré par Thomas Bruns, directeur artistique de l’Ensemble KNM Berlin. Ce projet, qui permet de créer une sorte de carte postale urbaine en situation, invite les participants à se laisser guider, les yeux bandés, à travers les rues de la ville, en la découvrant ainsi non pas par le regard, mais par l’ouïe. Dans Memory Space, Alvin Lucier adresse aux interprètes, en guise de partition, un texte qui indique la marche à suivre pour l’interprétation. Les musiciens se rendent dans un lieu dont ils devront mémoriser la situation sonore par différents moyens (enregistrement, prise de notes, dessins), mais au moment du concert, il leur faudra reproduire de mémoire avec leur instrument, l’empreinte sonore du lieu visité. A la Chaux-de-Fonds, ces déambulations révéleront plusieurs strates d’écoute avec les participants qui se baladeront en écoutant les sons des rues et les musiciens qui vont restituer musicalement ce qu’ils ont entendu dans le passé.

la ville se transforme en une composition géante

Quelles sont pour vous les spécificités sonores de la Chaux-de-Fonds ?

Après avoir participé à la production du projet « J’écoute la ville » dans de nombreuses villes, la Chaux-de-Fonds m’a parue extrêmement silencieuse. Parfois, on a même de la peine à trouver un endroit très sonore, mais en se promenant dans les rues, l’ouïe s’ouvre et on commence à entendre des sons plus tenus, plus lointains. Ce projet est très intéressant, car il permet de raconter vraiment quelque chose sur la ville.

J’écoute la ville / Nicolas Masson

Mis à part ces balades sonores, est-ce que la Chaux-de-Fonds vous a inspiré pour les autres évènements programmés aux Amplitudes ?

Forcément, car c’est une ville qui inspire beaucoup d’images à commencer par son plan urbain qui est vraiment très particulier. Le Pod, cette avenue centrale gigantesque, et le découpage de la ville en quadrillé m’ont donné envie de créer un ou plusieurs projets déambulatoires. Et puis, il y a tout ce patrimoine de bâtiments liés à la musique et aux arts, ce qui est remarquable pour une ville de cette taille-là. La Salle de musique, le théâtre L’Heure bleue, L’Usine électrique… Ces lieux exceptionnels m’ont amené à me poser plein de questions : quelle était l’histoire que me racontait cette salle ? Qu’est-ce que je pouvais y faire ? Comment telle ou telle partition combinée à une autre pièce permettait de « révéler » un lieu spécifique ?

la Chaux-de-Fonds m’a parue extrêmement silencieuse

Vous n’avez pas programmé que des concerts pour cette neuvième édition des Amplitudes…

Je m’intéresse à la vibration sonore, au son, en priorité, mais la question de cette vibration sonore peut avoir différentes applications qui ne sont pas forcément réalisables dans le cadre d’un concert. Aux Amplitudes, j’ai, entre autres, programmé une conférence, au Club 44, avec l’artiste plasticienne, Latifa Echakhch et le compositeur et philosophe, directeur du GRM François Bonnet.  Avec Echakhch, je suis à l’aube d’une collaboration autour d’un projet d’exposition où la question de la vibration sonore n’aboutira pas à un concert ou à un autre type de représentation sonore, mais prendra d’autres formes à travers un travail plastique et conceptuel.


Thomas Kessler, 5+5: Eklekto, 2017

Et c’est là toute l’originalité des Amplitudes ! Proposer un focus sur un artiste, mais en allant explorer les différentes ramifications de sa pratique ou de sa pensée. Ce procédé permet de construire une balade au fil de laquelle, on découvre plein de recoins différents qui, mis bout à bout, vont créer et façonner une image qu’on peut se faire d’un propos artistique.
Interview: Anya Leveillé

Delia Hess, Ensemble KNM BerlinSudden Infant, Mio Chareteau, RadialEklekto Geneva Percussion Center

Emissions RTS:
2.10.20.: L’écho des pavanes, éditorial Anya Leveillé: Alexandre Babel aus Amplitudes
21. et 24.10.20, 19:03h: L’écho des pavanes: Live sur place aux amplitudes
19.10.20: Musique d’avenir, éditorial Anne Gillot: Portrait Alexandre Babel
26.10.20.: Musique d’avenir, éditorial Anne Gillot: concert finale en live

Emission SRF 2 Kultur:
21.10.20., 20h: dans: Musik unserer Zeit, éditorial Florian Hauser / invitée Gabrielle Weber & neo.mx3

Neo-Profiles: Les amplitudes, Eklekto Geneva Percussion Center, Alexandre Babel

Et après 2_2

(ré)inventer l’après ⎜2/2 

Laurent Estoppey, compositeur, saxophoniste, artiste sonore et directeur artistique de l’Ensemble Babel Lausanne, peut être considéré un pont musical entre l’Europe et les Etats-Unis depuis de nombreuses années.

En tant qu’expert des deux continents, je l’ai invité à s’interroger et s’exprimer par rapport aux conséquences de la pandémie du corona virus sur la création musicale des deux côtés de l’Atlantique.

Estoppey a mené une enquête à grande échelle des deux côtés de l’océan Atlantique.

Je vous invite à découvrir ses propos… – joint la deuxième partie:

Portrait Laurent Estoppey©Wayne Reich

 

Laurent Estoppey
Les plus grands manques de tou.te.s les musicien.ne.s durant le confinement sont facilement identifiables et partagés: jouer avec d’autres, jouer en face d’un public, serrer ses proches et ami.e.s dans les bras.

Cette situation permet cependant à certain.ne.s de développer des pensées et des projets de long termes, d’explorer de nouvelles pistes, à un autre rythme. Les approches du numérique et de ses possibilités sont également très différentes d’une personne à l’autre.

« La distanciation ouvre par exemple des pistes de réflexion intéressantes pour les questions liées à la performance dans un cadre contraignant, les limites du corps et la manière dont le son sen échappe, habite lespace, prolonge un geste, en rencontre dautres. Cest ce genre de direction qui capte mon attention pour le moment. » 


Laurent Estoppey, Caroline County

De nouvelles formes de projets voient le jour, dont il est encore bien difficile de savoir si elles s(er)ont vraiment satisfaisantes, mais répondent à une envie, un besoin de faire, de poursuivre une quête. (voir liens ci-dessous)

De nombreux « disques » vont voir le jour ces prochains temps…mais pour quel public? Et pour quel prix?

Car si les musicien.ne.s sont clairement en manque de public, est-ce que le contraire est également vrai? La gratuité a-t-elle creusé son chemin dans l’esprit du public (numérique)?

L’édifiant exemple de ce concert de rock à Genève au mois de mai visionné en direct ou en différé par 13’000 personnes sur lesquelles (tout le monde était invité à payer un prix proposé ou libre) …13 personnes ont payé quelque chose, est évidemment inquiétant.

La « relance » engagée par certaine villes – certes en payant les artistes – en offrant des spectacles gratuits laisse également perplexe. On habitue le public à un accès facile et gratuit à la culture, empêchant celle-ci d’être réellement professionnalisée.

« Je crains quau fur et à mesure de la relance, cette parenthèse nait servi, malgré les promesses de soutien aux métiers essentiels, les promesses de ré-envisager les priorités, qu’à forger les prochains discours de crise et daustérité.

Jespère toutefois que le fait davoir expérimenter un rare moment de « déviation » dans notre rythme de production, y compris dans lindustrie culturelle, restera dans la mémoire de quelques personnes qui envisageront tout ça différemment. » 


Dragos Tara, Horde

La passion des musicien.ne.s des deux côtés de l’Atlantique est intacte, mais aurons-nous l’énergie de rendre nos activités viables et reconnues comme réelles professions?

Beaucoup de question artistiques restent ouvertes:
Doit-on réinventer la situation de concert en fonction des normes sanitaires qui pourraient perdurer?

Les modes de créations et diffusions esquissés ces derniers mois deviendront-ils une nouvelles normes et si oui, ne seront-ils qu’un pis-aller?

Est-ce que la crise renforcera nos revendications et nos besoins artistiques ou nous poussera-t-elle vers un quasi-renoncement économique de la pratique musicale telles que vécu aux USA?

On se rend compte également que les associations de musicien.ne.s telles que SONART et la FGMC (Fédération genevoise des musiques de création) ont elles-aussi un rôle très important à jouer dans la réflexion et la gestion de « l’après ».


Viva Sanchez, Brice Catherin, Numéro 2

En conclusion, deux réflexions de musiciens américains:

« Je pense que la scène musicale était très excitante mais totalement moribonde. Ce qui me manque le plus est peut-être ce qui n’a jamais existé »

« La pandémie m’a sauvé d’un burn-out. J’apprécie cette période et essaie d’en tirer le maximum, par la méditation, la réflection et le jardinage. La crise sanitaire et le (potentiel) réveil politique sont extrêmement inspirants et stimulants pour la composition de musiques et de chansons. »

A nous de réagir et de rêver!
Laurent Estoppey (2/2)

Liens à des projets spécifiques réalisés durant le confinement:
Atomwrec Bob Parking Garage Bidness
Brice Catherin / Noisebringers
Jacques Demierre Decálogo Sonoro – 3° entrega
Nicolas Lira 72 seconds solos
Dragos Tara Lisières (avec entre autres Patricia Bosshard, Laurent Estoppey…)
Andrew Weathers Llano Estacado Monad Band
Association Insubordinations / Cyril Bondy, Jacques Demierre, Anouck Genthon…
ensemBle baBel Walking Venezia
Hyper-Duo (Julien Mégroz et Gilles Grimaître)
Article suggéré par Julien Mégroz

Les textes en italiques sont des citations de musicien.ne.s ayant participé au sondage:
Antonio Albanese, Aaron Bachelder, Cyril Bondi, Patricia Bosshard, Laurent Bruttin, Brice Catherin, Vattel Cherry, Jacques Demierre, Susan Fancher, Edmée Fleury, Antoine Francoise, Shawn Galvin, Anouck Genthon, James Gilmore, Gary Heidt, Jonas Kocher, Antoine Läng, Nicolas Lira, Julien Mégroz, David Meier, David Menestres, Luc Müller ,Raphaël Ortis, Robert Pence, Will Redman, Noëlle Reymond, Viva Sanchez, Dragos Tara, Vinz Vonlanthen, Andrew Weathers.

Un immense merci à tou.te.s!

Neo-Profiles: Laurent Estoppey, Association Amalthea, Julien Mégroz, Jonas KocherDragos Tara, Ensemble Babel, Jacques Demierre

Et après??? 1_2

Laurent Estoppey, compositeur, saxophoniste, artiste sonore et directeur artistique de l’Ensemble BaBel Lausanne, peut être considéré un pont musical entre l’Europe et les Etats-Unis depuis de nombreuses années. Il a initié de nombreux projets de collaboration intercontinentaux entre musique expérimentale, transdisciplinaire, improvisée et art sonore.

En tant qu’expert des deux continents, je l’ai invité à s’interroger et s’exprimer par rapport aux conséquences de la pandémie du corona virus sur la création musicale des deux côtés de l’Atlantique.

Estoppey a mené une enquête à grande échelle des deux côtés de l’océan Atlantique – la conclusion : la pandémie a révélé la fragilité du système et encouragé une remise en question fondamentale du secteur de la musique en tant que tel, mais elle a également inspiré de nouvelles méthodes de création et de collaboration.

Je vous invite à découvrir ses propos… – un texte en deux parties:

Portrait Laurent Estoppey©Wayne Reich

voir les choses en face ⎜1/2 

Laurent Estoppey
Bon, on va pas se le cacher, on s’est toutes et tous pris un sacré coup de massue. Et même pas forcément « que » financier, quelque chose qui nous touche au plus profond, une crise existentielle qui nous oblige à rêver à d’autres possibles.

Est-ce que la pandémie et ses conséquences sont vécues de la même manière des deux côtés de l’Atlantique?

Pour tenter de répondre à cette question – et comme il y a presque autant de situations que de musicien.ne.s – j’ai envoyé au début du mois de juin un petit questionnaire à une quarantaine de musicien.ne.s ayant tou.te.s des activités plutôt indépendantes dans les domaines des musique contemporaines, improvisées et expérimentales.


Ensemble BaBel, Christian Marclay: Screenplay part.2

La générosité et la franchise des réponses m’ont particulièrement touché, reflet du besoin de s’exprimer en cette période de manques et frustrations. Là où je m’attendais à des réponses brèves, beaucoup ont développé de nombreux points de réflexions.

A ma grande surprise, à la seule différence que les musicien.ne.s aux Etats-Unis n’ont pas ou presque pas de possibilités de dédommagement (en sachant que les cachets – quand il y en a – sont bien plus bas que les suisses ou européens en général et les possibilités de subventions privées ou publiques entre cinq et dix fois inférieures), les réactions artistiques sont absolument les mêmes pour la plupart d’entre-elles.eux.


Ensemble Batida, Haiku

« On se rend compte que pour tout le monde, même si l’argent est important, ce n’est pas le principal. Les derniers mois ont empêchés des projets de se faire, instauré un doute immense chez la plupart d’entre-nous. »

« Cette situation a une influence sur ma vie et touche donc de fait aussi ma pratique artistique, mais plutôt par un effet global diffus, qui va se révéler, mais plus tard, sûrement. »

Si pour beaucoup d’américain.ne.s faire de la musique n’est que peu relié à l’aspect économique, les créateurs de musique suisses ont eu la preuve au-travers de la situation de la pandémie d’une grande précarité de notre profession. « Comme beaucoup de gens dans ce métier, je me protège en faisant un autre métier. »


Julien Mégroz, Défibrillation décongelée

Les réactions à la crise ont été – très logiquement – presque partout semblables: d’abord la frustration, la réaction aux arrêts forcés, puis la découverte d’autres espaces, physiques et temporels, qui nous ont mené.e.s à une profonde introspection, et à une grande remise en questions – en tous cas jusqu’à ce que les activités semblent recommencer – de la situation « d’avant ».

« Suis-je un créateur ou un gestionnaire de projets? »

Revenons alors à cet « avant «  par quelques remarques que beaucoup partagent:

« Dans un sens cela montre la fragilité d’un système. La musique est le parent pauvre des arts de la scène. Principalement car elle n’a su se professionnaliser à l’image du monde du théâtre et de la danse « .

« Cette crise met en exergue la manière « bout de ficelle » denvisager le métier de musicien en Suisse, on se démerde comme on peut pour gagner sa vie et avoir assez de temps pour créer. ».

« Cela a permis de mettre en lumière la précarité et les dysfonctionnements à lendroit des musiques de création. »

« Est-ce que ce mode de fonctionnement génère vraiment un travail de qualité ou ne fait-il qu’ajouter des ‘events’ en plus à la quantité de produit culturels environnants?

Qu’est-ce que j’ai vraiment à dire en tant qu’artiste? Est-ce que je veux être encore longtemps aussi dépendant d’un marché culturel et d’un soutien étatique ou privé?

Suis-je un créateur ou un gestionnaire de projets? « 


Laurent Estoppey, Always something there

Toutes les questions déjà en présence avant la crise sont cruciales. On observe cependant une effrayante différence des deux côtés de l’Atlantique. Là où les américain.e.s ont baissé les bras depuis longtemps sur d’éventuels revenus provenant de leurs activités artistiques (la plupart enseignent à plein temps et n’ont que très peu de temps à consacrer aux concerts ou ont des professions totalement autres « pour payer les factures », comme informaticiens, traducteurs, graphistes…), les suisses veulent croire à une valorisation de leur art. Mais: « On nous demande à nous d’être créatifs, de rebondir, de trouver des solution, alors qu’à mon sens le combat est politique. La question est: voulons-nous de réelles conditions de travail pour les artistes et les musiciens? »
Laurent Estoppey (1/2 )

Liens à des projets spécifiques réalisés durant le confinement:
Atomwrec Bob Parking Garage Bidness
Brice Catherin / Noisebringers
Jacques Demierre Decálogo Sonoro – 3° entrega
Nicolas Lira 72 seconds solos
Dragos Tara Lisières (avec entre autres Patricia Bosshard, Laurent Estoppey…)
Andrew Weathers Llano Estacado Monad Band
Association Insubordinations / Cyril Bondy, Jacques Demierre, Anouck Genthon…
ensemBle baBel Walking Venezia
Hyper-Duo (Julien Mégroz et Gilles Grimaître)
Article suggéré par Julien Mégroz

Les textes en italiques sont des citations de musicien.ne.s ayant participé au sondage:
Antonio Albanese, Aaron Bachelder, Cyril Bondi, Patricia Bosshard, Laurent Bruttin, Brice Catherin, Vattel Cherry, Jacques Demierre, Susan Fancher, Edmée Fleury, Antoine Francoise, Shawn Galvin, Anouck Genthon, James Gilmore, Gary Heidt, Jonas Kocher, Antoine Läng, Nicolas Lira, Julien Mégroz, David Meier, David Menestres, Luc Müller ,Raphaël Ortis, Robert Pence, Will Redman, Noëlle Reymond, Viva Sanchez, Dragos Tara, Vinz Vonlanthen, Andrew Weathers.

Un immense merci à tou.te.s!

Neo-Profiles: Laurent Estoppey, Association Amalthea, Julien Mégroz, Jonas KocherDragos Tara, Ensemble Babel, Jacques Demierre

« Maintenant, nous pouvons réinventer le festival Usinesonore! »

Le petit festival Usinesonore aurait eu lieu dans le Jura bernois du 10 au 13 juin. La décision du Conseil fédéral, permettant à certains événements de se dérouler dans un cadre de dimensions gérables est arrivée un poil trop tard pour que le festival ait lieu. Chose d’autant plus douloureuse car il s’agit d’un événement biennal et qu’il faudra peut-être attendre 2022 pour une prochaine édition. Heureusement par contre, la série de concerts « Les Battements de l’Abbatiale à Bellelay » aura lieu.

Portrait: Julien Annoni©Lucas Dubuis

Julien Annoni, co-directeur d’Usinesonore et directeur des Battements de l’Abbatiale, nous parle des opportunités liées à cette période Covid-19 et des raisons pour lesquelles la musique en streaming ne parvient pas à créer les mêmes émotions.

Interview: Bjørn Schaeffner

Julien Annoni, l’Usinesonore aurait du avoir lieu du 9 au 13 juin. Que ratons nous?
Comme toujours, un programme haut en couleur entre musique contemporaine, musique populaire et d’autres disciplines artistiques. Nous présentons les choses d’une manière qui soit la plus proche possible du public. En ce qui concerne les grands noms : il y aurait eu un concert avec Renaud Capuçon, entre autres et nous avons également construit une très belle tente, spécialement pour l’édition de cette année.

Quand avez-vous réalisé que le festival devait être annulé?
Début avril. Deux mois avant le début officiel du festival, c’était la dernière échéance que nous nous étions fixés. C’est un peu la dernière chance de pouvoir annuler d’une façon relativement gérable.

Maintenant, le lockdown a été levé…
J’en suis heureux. C’est un signal positif pour la Suisse. Et pour tous ceux qui travaillent dans les milieux culturels!

Votre festival aurait théoriquement pu avoir lieu car le Conseil fédéral vient de décider que les manifestations culturelles pouvant accueillir jusqu’à 300 personnes seront à nouveau autorisées à partir du 6 juin. Cela vous a énervé?
Le tout aurait été possible seulement si nous avions réduit la taille de l’Usinesonore et il était clair pour nous dès le départ que ce n’était pas une option. Dans ces circonstances, l’atmosphère de notre festival n’aurait pas été mise en valeur.

Usinesonore 2018, Gérard Grisey, Le noir d’étoiles, WeSpoke

Pourquoi pas ?
Parce que cela aurait été au détriment de la qualité et nous ne voulons pas faire de compromis là-dessus.

Mais encore une fois : cela ne vous dérange-t-il pas d’avoir raté d’un poil la possibilité de quand même proposer le festival?
C’est bien sûr très dommage, nous nous étions investis cœur et d’âme. Mais on est toujours plus intelligent rétrospectivement.

Que signifie l’annulation du festival sur le plan financier ?
Nous sommes dans une position relativement bonne. Le canton de Berne et la plupart des fondations qui soutiennent le festival ont été très accommodants et maintiennent leurs subventions et contributions.

Et pour les artistes ?
Nous pouvons payer une grande partie de leurs cachets et coûts de production en compensant en partie leur perte de gains.

Vous avez mis à disposition d’autres artistes les locaux inutilisés du festival à Bienne, gratuitement.
Oui, c’était une évidence pour nous. Pour qu’ils puissent y répéter, ou travailler sur des productions. Les artistes s’y installent jusqu’à la fin de juillet, que ce soit pour quelques jours ou pour une semaine. Entre autres, le Mycélium collectif, Camille Emaille, Lucie Tuma, Paquita Maria ou Adrien Gygax et même si rien n’y est créé pour le public, je sens beaucoup d’enthousiasme.

Usinesonore Festival 2018

Êtes vous-même touché par la crise, en tant que musicien?
Oui, bien sûr, sur le plan financier. En retour, j’étais souvent avec ma famille, chose que j’ai beaucoup apprécié car, normalement je suis souvent sur les routes.

Une diffusion en streaming d’Usinesonore n’a jamais été une option pour vous ?
Nous y avons bien sûr pensé. Mais nous avons décidé de ne pas le faire car Usinesonore vit de l’échange avec le public, de toute l’ambiance qui se crée. Le streaming ne pourra jamais remplacer cela.


Trailer Usinesonore Festival 2014

Pouvez-vous quand-même imaginer que Usinesonore réalise des formats digitaux à l’avenir?
Tout à fait. Mais ce schéma est encore complètement inexploré. Nous sommes en train de réfléchir, faire des recherches et poser la base pour quelque chose de nouveau.

La prochaine utilisation aura lieu dans un an ?
C’est une possibilité, mis il serait également possible qu’elle n’ait pas lieu avant 2022. Nous ne le savons pas encore. Actuellement nous avons le temps de réfléchir intensivement à ce que sera le festival à l’avenir.

Vous voyez donc la crise comme une opportunité ?
Exactement. C’est génial de pouvoir réinventer complètement un festival.

Usinesonore Festival 2018

De quoi d’autre vous réjouissez-vous?
Les concerts dans l’abbaye historique de Bellelay. Mais cela n’a rien à voir avec Usinesonore. Il s’agit de trois ans de travail, une saison de concerts d’ensemble – j’avais invité Carine Zuber (Moods), Claire Brawand (Label Suisse) et Arnaud Di Clemente (Cully Jazz) comme programmateurs. La saison régulière a dû être annulée, mais au moins certaines dates de la fin août à la mi-septembre peuvent quand même se faire.
Bjørn Schaeffner

Le festival Usinesonore a lieu tous les deux ans en juin à La Neuveville. La prochaine édition se teindra probablement en 2022.

La série de concerts Les Battements de l’Abbatiale aura lieu – comme l’un des premiers événements dans le Jura – à partir du 29 août (Ensemble Contrechamps Genève).

Usinesonore Festival, Les Battements de l‘Abbatiale, Julien Annoni/WeSpokeKollektiv Mycelium

Neo-Profiles: Usinesonore Festival, Les Battements d’Abatiale, WeSpoke, Kollektiv Mycelium

Sprechstunde neue Musik @Musikfestival Bern

Gabrielle Weber: Interview mit Tobias Reber, Video-Sprechstunde @Musikfestival Bern 28.5. & 25.6.20

« Sprechstunde neue Musik », so lautet ein online-Angebot des Musikfestival Bern. Das Motto: « Musik hören und diskutieren ». Tobias Reber, selbst Komponist und Performer ist für das Vermittlungsprogramm des Festivals verantwortlich. Das Format initiierte er bereits 2019. Damals fanden die Sprechstunden live statt. Nun werden sie als Videokonferenzen abgehalten.

Mit Reber unterhielt sich Gabrielle Weber über Sprechstunden, Field recordings und Terry Rileys Werk In C.

Portrait Tobias Reber © Samira Reber

Vor kurzem hielten Sie die erste online-« Sprechstunde neue Musik » ab. Unter dem Titel Schichtungen besprachen Sie Terry Rileys Stück « in C », ein Werk aus der Minimal Music. Das dreht sich alles insistierend um den Ton C.. weshalb dieses Werk?

Mit dem Stück stieg ich ein, weil es einerseits zugänglich ist und es andererseits Bezug zum Festivalthema Tektonik hat. Es ist ein Schichtungswerk, in dem sich Klangschichten übereinander und gegen einander verschieben.


Terry Riley, In C, Ensemble Ictus live, 2012

Der Titel « Sprechstunde neue Musik » ist ja durchaus auch unterhaltsam zu verstehen – zur Sprechstunde beim Arzt begibt man sich meist eher ungern…

Sprechstunde ist natürlich einerseits wörtlich gemeint. Denn es soll ja gemeinsam gesprochen werden. Und gleichzeitig auch selbstironisch, als eine Art « Sorgentelefon ». Denn die zeitgenössische Musik bereitet ja auch Kopfzerbrechen. Sie hat ein Problem damit, ein grösseres Publikum zu erreichen. Mir geht’s darum: Wie kann ich die Lust am Facettenreichtum dieser Musik wecken. Mir begegnet oft die Angst, alles verstehen zu müssen. Diese möchte ich abbauen.

Nehmen wir als Vergleich die Gourmetküche. Wenn ich bspw. in einem Molekular-Restaurant esse, gehe ich auch nicht davon aus, das verstehen zu müssen. Da lasse ich mich bewusst auf etwas Neues ein. Auch bei der neuen Musik geht es darum sich sinnlich einzulassen, zu probieren, zu kosten.

« ich möchte ein grosses Buffet anbieten.. »

Die Sprechstunde ist einmalig, findet im Hier und jetzt statt, wenn auch virtuell – wer dabei ist, erlebt einen exklusiven Moment des Zusammenkommens.. wie kam das an?

Gerade das einmalige Zusammensein im Moment haben alle speziell genossen. Es gibt ein Bedürfnis nach dem Experimentieren mit virtuellen Begegnungen. Wir alle lernen jetzt Vertrauen aufzubauen, bspw. mit fremden Menschen über Videokonferenzen. Das ist fast eine neue Kulturtechnik.

Die nächsten Daten stehen unter dem Motto: « Klingende Welten » resp. « Brüche, Störungen, Falten » – das klingt etwas allgemein: können Sie mir weiterhelfen?

Bei « Klingende Welten » geht es um reale aufgezeichnete Klänge aus der « echten » Welt, sogenannte field recordings, die in Musik verwendet werden. Zum Beispiel hören wir uns Klangmaterial von Erdbewegungen an, das durch Sensoren im Boden aufgezeichnet wurde, oder von Verschiebungen von Eisschollen, durch Hydrophone oder wasserfeste Mikrofone im arktischen Wasser aufgezeichnet.

In der letzten Sprechstunde geht es dann um Werke, die für einen spezifischen Ort gestaltet wurden, bspw. in Form von Performances oder Klangskulpturen.


Tobias Reber, Polyglot, 2013

Die Sprechstunden sind komplett offen und richten sich genauso an ein Fachleute wie an ein interessiertes Laienpublikum: wie gelingt dieser Spagat?

In der ersten online-Sprechstunde hatten wir eine gute Mischung von Berufsmusikern und -musikerinnen und interessierten Laien. Alle brachten ganz unterschiedliche Kenntnisse mit. Den gemeinsamen Nenner mussten wir aber zuerst herstellen. Das war dann für beide Seiten bereichernd.

Ich deklarierte die Sprechstunde als Experiment und lud dazu ein, Vorschläge einzubringen. Wir fanden gemeinsam heraus, was gut funktionierte.

Wie gingen Sie konkret an Terry Rileys « In C » heran..?

Als Vorbereitung habe ich eine nicht-öffentliche Playlist auf Soundcloud erstellt und geteilt. Wir verglichen dann drei sehr unterschiedliche Interpretationen. Bspw. gibt es eine Aufnahme mit Musikern aus Mali. Dort wird über die Motive improvisiert anstatt sie zu wiederholen. Das ist auch völlig in Terry Rileys Sinn.


Terry Riley, Africa Express, In C Mali, live at Tate Modern, 2015

Gibt es etwas in der kommenden Sprechstunde auf das wir speziell gespannt sein können..?

Letzten Winter gab es das Phänomen des sogenannten « singenden Eises ». Ich habe es im Oberengadin am zugefrorenen St.Moritzer-See selbst erlebt. Eine der Aufnahmen die ich mitbringe hat damit zu tun…
Gabrielle Weber

 

Klang-Spaziergang mit Radio.Antenne.SA © Musikfestival Bern 2019

Das Musikfestival Bern findet vom 2. Bis zum 6. September 2020 statt. Die diesjährige Festivalausgabe steht unter dem Motto « Tektonik »

Musikfestival Bern, 2.-6. September, Tektonik
Anmeldung & Information: Sprechstunde neue Musik @Tobias Reber

Neo-Profiles: Musikfestival Bern, Tobias Reber

‘Créer pour faire vibrer’

La date limite pour déposer une demande de soutien en 2020 auprès de « Impuls neue Musik » est fixée au 1er mai.

Le Fonds recherche des projets musicaux qui contribuent à l’échange entre les espaces linguistiques et culturels germanophones et francophones en Allemagne, en France et en Suisse.

Brigitta Muntendorf, Room © Brigitta Muntendorf

Impuls neue Musik est un fonds visant à soutenir la mise en réseau des scènes musicales contemporaines allemande, française et suisse ; une sorte de laboratoire d’idées permettant de mettre en place des échanges culturels transfrontaliers. Depuis 2020, deux nouveaux membres ont rejoint le jury : la compositrice allemande Brigitta Muntendorf et la journaliste française Anne Montaron.

Dans un entretien avec Gabrielle Weber, Brigitta Muntendorf s’est exprimée à propos de « Impuls neue Musik », ainsi que sur la situation particulière actuelle, les réseaux numériques et le potentiel à long terme de la coopération internationale.

Brigitta Muntendorf, généralement vous voyagez beaucoup et vous travaillez en permanence avec différentes équipes et partenaires dans différents endroits : quelle est la situation actuelle ?

Je travaille actuellement à la maison – comme tous les autres musiciens et compositeurs – et tout ce qui était prévu est annulé pour l’instant. Vouloir changer cela, vouloir voyager ou pleurer les événements n’aurait aucun sens. Par contre on peut faire confiance aux artistes: nous sommes des gens créatifs, capables d’inventer.

« La musique peut représenter un grand nombre de choses et avoir beaucoup de valeur. » 

Que souhaitez-vous apporter à Impuls neue Musik ?

Je suis curieuse par rapport aux questions que les autres artistes se posent, les thèmes traités par les ensembles, les liens que l’on cherche à établir ainsi que les motivations qui poussent à le faire. Voici l’approche avec laquelle j’aimerais examiner les projets. Sur le plan artistique, je pense que la musique contemporaine peut être un domaine très vaste et j’aimerais encourager cela.

Quelle est la particularité du financement Impuls… ?

L’accent mis sur la coopération internationale. L’internationalité nous met toujours au défi de penser dans un contexte plus large.


Joint adventure, Ensemble C Barré et Neue Vokalsolisten, Eclat 2020

… et de la combinaison de ces trois pays – Allemagne, France et Suisse ?

Les trois pays sont géographiquement proches, mais chacun a ses particularités : du point de vue de la composition par exemple, la musique contemporaine en France, repose sur des bases complètement différentes de celles de l’Allemagne ou de la Suisse. En même temps, les trois pays ont des formats, des festivals et des structures similaires dans leur façon de pratiquer la musique contemporaine. Nous sommes issus d’interactions culturelles différentes, mais on retrouve un dénominateur commun dans la présentation.

« sortir de sa propre zone de confort »

Quel est le défi d’une coopération internationale ? 

Les contacts préalablement établis sont indispensables. La plupart des projets ne peuvent être réalisés qu’en s’associant – avec des partenaires dans son propre pays, mais aussi à l’étranger.
Dans le cas d’Impuls neue Musik des thématiques précises entrent en jeu telles que la capacité à sortir de sa zone de confort ou la volonté poussant les différents porteurs de projets à se rendre dans un pays ou dans l’autre pour travailler ensemble. La curiosité peut aussi faire partie de ces thématiques et peut conduire à un résultat que personne n’aurait imaginé.

… car on n’a pas non plus souvent l’occasion de se rencontrer au-delà des frontières pour faire du brainstorming.

Pour ce qui est du climat et du changement climatique, je pense même qu’il est important de bien réfléchir aux raisons pour lesquelles les gens se rencontrent alors que les moyens de communication à distance pourraient être suffisants. La qualité d’une réunion dépend avant tout de la réflexion préalable des parties et non pas de la fréquence des déplacements d’un point A à un point B.

Qu’en est-il de la durabilité – est-il raisonnable de ne travailler ensemble qu’une seule fois?

Faire en sorte que la durabilité joue un rôle dans la coopération est possible. En planifiant une coopération à long terme, plutôt que de concevoir un seul projet, par exemple. Plus la planification sera longue, plus les partenaires impliqués en tireront un bénéfice artistique.

Qu’est-ce que les projets de coproduction peuvent accomplir mieux que d’autres ?

Dans le cas d’une coproduction, le contact est d’une qualité différente. Le processus de développement est soutenu en tant que tel. Dans les premières phases du projet, les particularités et les caractéristiques des participants sont plus fortement prises en compte.

Nous nous trouvons dans une situation très particulière. Les frontières sont fermées à titre exceptionnel – pensez-vous que cela pourrait représenter une menace pour  le cœur du projet d’Impuls neue Musik?

Je crois que le « désir de se connecter » au-delà des frontières est ancré en chacun de nous au moins depuis la révolution numérique, en particulier parmi les jeunes générations. La situation actuelle incite à une nouvelle réflexion. Il s’agit de questions fondamentales : comment faire de l’art, comment le montrer, quel est le sens de l’art ? Mais aussi : quelle pourrait être la nouvelle force de connexion et de coopération ? Nous devons exploiter l’interaction que le monde numérique nous offre tout en restant conscients que ce monde a aussi ses limites.

IScreen, YouScream!, Brigitta Muntendorf, Ensemble Garage, Eclat Festival

Comment ce projet pourrait-il se développer à long terme ? Quelle est votre vision ?

Les frontières de l’art s’estompent de plus en plus, entre la musique et la performance par exemple, ou entre la musique et l’intermédialité. Les concepts de compositeur/compositrice et de matériel musical aussi sont en train de changer. Voilà où « Impuls neue Musik » devrait se positionner plus fortement. Je pense à un financement de projet encore plus durable en établissant des relations à long terme avec les artistes. 
interview, Gabrielle Weber

Nouveaux membres du jury à partir de 2020 :
Brigitta Muntendorf. Après ses études à Brême, Cologne, Paris et Kyoto, Brigitta Muntendorf a gagné des nombreux prix, dont le Musikautorenpreis de la GEMA en 2017 dans la catégorie des jeunes talents. Elle enseigne à l’Université de musique de Cologne.

Anne Montaron, germaniste et musicologue, travaille comme productrice à Radio France (France Musique) depuis plus de 25 ans. Son émission la plus connue est le programme d’improvisation musicale hebdomadaire: A l’Improviste.

L’initiative voit le jour en mars 2009, par la volonté des instances culturelles françaises et allemandes comme l’Ambassade de France en Allemagne, le ministère de la Culture et de la Communication, la SACEM (Société des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs de Musique) et le Bureau Export de la musique française. Divers partenaires français et allemands font désormais partie du comité de direction et financent. Depuis 2020, l’organisme responsable est l’Institut français (Paris) et le fond est géré à Berlin (Directrice : Sophie Aumüller).

En 2018, il a été rejoint par la fondation suisse Pro Helvetia, ce qui fait d’Impuls un fonds franco-germano-suisse. Les membres du jury pour la Suisse sont, Xavier Dayer, compositeur, Thomas Meyer, journaliste musical indépendant et Bernhard Günther, directeur artistique des festivals WienModern et ZeitRäume Basel. Pour plus d’informations, vous pouvez consulter l’adresse suivante : www.impulsneuemusik.com


Shaker Kami, Nik Bärtsch et Percussions de Strasbourg, Jazzdor 2020

Les projets financés sont régulièrement présentés dans le cadre d’importants festivals internationaux et accueillis avec enthousiasme. Quelques exemples : la coproduction franco-suisse entre les ensembles Eklekto, Geneva Percussion Center et l’ensemble vocal NESEVEN pour l’ouverture des « Wittener Tage für Neue Kammermusik » 2019, le projet Joint Venture avec l’Ensemble C Barré de Marseille et les Neue Vocalsolisten au Festival Eclat Stuttgart 2020 ou la première du projet Shaker Kami avec Nik Bärtsch et les Percussions de Strasbourg au Festival Jazzdor de Strasbourg.

La date limite de dépôt des candidatures pour 2020 est fixée au 1er mai. Seul les projets débutant après le 1er août 2020 seront pris en compte.

Brigitta Muntendorf
Impuls neue Musik / gesamte Jury / neues online-Antragsverfahren,

Neo-Profiles:
Impuls neue Musik, Eklekto Geneva Percussion Center, Nik Bärtsch, Stefan Keller, Xavier Dayer, Trio Saeitenwind